Remerciements
A tous ceux qui, par leur soutien financier ou autre, ont contribu la ralisation de cette publication :
- le lyce Franoise Cabrini
- La maison des crivains et de la littrature
- Le rectorat de Crteil
- Le Conseil rgional dĠIle de France dans le cadre
du Ç Projet lyce, innovation ducative È.
İ Lyce Cabrini, 2010
Atelier dĠcriture et de lecture dĠimage
(2009-2010)
Lyce Franoise Cabrini
Noisy-le-Grand (93)
crits
De Cabrini
#1
Prface de Hafid Aggoune
En 2009, lĠoccasion de ma premire visite au lyce Cabrini, jĠai pu faire connatre mon parcours et mes livres, ma passion pour la littrature et lĠcriture, quelques lves. LĠide est donc venue Jean-Luc Mnard, professeur documentaliste et photographe, de prolonger cette premire approche, mais de lĠapprofondir par un atelier dĠcriture qui mlerait photographies et textes.
Janvier 2010 a vu le dbut dĠune nouvelle dcennie et aussi celui de cette aventure dĠcriture, de rencontres, dĠchanges.
Ainsi chaque vendredi, aprs avoir choisi lĠune des photographies toutes inspires de lĠunivers mditerranen, des lves de Marie Witt, professeur de Lettres se sont lancs dans cette part dĠinconnu quĠest la cration littraire. Et pour ne pas les voir se confronter au blanc dĠun cran ou dĠune feuille, jĠai choisi de les laisser librement crire leurs premires impressions face lĠimage, que lĠimage, divinit omnisciente et omniprsente de notre socit, ne leur soit plus imposante, insinuante ou directive dĠmotions et de penses, mais que leur regard, par les mots, viennent la dompter, sĠen nourrir sans en subir un sens unique. Chaque image rvle des sens multiples et rend une critique possible et mme souhaitable, exigeant un imaginaire en marche et non en arrt, car chaque image est une fentre ouverte et non un mur. Aussi, par cet atelier, ai-je voulu non pas leur ouvrir moi-mme ou par une quelconque mthode toute faite les fentres des souvenirs ou de lĠimagination, mais quĠeux-mmes se sentent capables, libres et autoriss le faire seuls, aller au-del du visible, chercher au fond dĠeux-mmes une histoire, une nouvelle, une chose donner se lire soi et autrui.
Entre deux vendredis, nous sommes rests en contact pour suivre lĠvolution de chaque texte, partant des simples impressions pour aller doucement, sans rupture ni approche trop didactique vers le texte de chacun, lĠunivers que chacun aura su voir, dvelopper. Mon ide nĠtait pas de leur apprendre crire, mais de donner envie dĠinventer, de crer, de suivre une pense, de lĠexprimer, de la formuler de faon littraire, de raconter, dĠeffrayer, dĠmouvoir, dĠtonner, de rflchir, de se rvolter, de se librer. Et cĠest chose faite, car les impressions sont devenues des histoires originales, fortes parfois, divertissantes et ludiques, fugaces comme de simples pomes, ou inquitantes, mouvantes comme des chos de non-dits jusque-l rests muets, touffs.
Lors de ces sept semaines dĠatelier et les suivantes hors-contexte, chacun aura donn naissance au fruit dĠune page vierge, cette neige pure de lĠimaginaire venue se poser sur une photo aux saveurs, aux odeurs, aux lumires de la Mditerrane, loin des clichs et prs dĠune sincrit qui sauvera le monde si elle peut toujours sĠexprimer et tre donne lire comme il est fait ici.
Si crire libre une parole personnelle, dire et inventer rend heureux et plus lger.
La littrature est une force qui peut tout soulever, murs et maux... Aux jeunes gnrations de reprendre le flambeau !
Horizons incertains
Anissa Chaouch
Ë prsent, les grandes vacances commencent. Toute la famille se prpare partir en voyage, prte dmarrer. Ma mre vrifie que rien nĠa t oubli quand soudain elle mĠinterpelle.
─ NĠas-tu pas oubli de le prendre ? Tu devrais aller le chercher, il se trouve dans ta chambre. Le temps presse.
Je me faufile et me rends aussitt dans ma chambre. Je prends lĠobjet en question, puis remarque un bouquin sur le bureau que je prends galement. Au moment o je lĠattrape, trangement, une photo glisse au sol. Elle est prise en hauteur, dĠune terrasse et montre une mer bleue, des nuages situs lĠhorizon. Ce paysage me rappelle mon pays dĠorigine : la Tunisie. Toute ma famille, paternelle et maternelle, se trouve l-bas, de mme que mes racines. Il y a ce sentiment dĠappartenir deux mondes et aucun monde en mme temps : la France et la Tunisie.
Quand je suis en Tunisie, les gens me voient comme une Franaise, et je me considre franaise malgr le fait que je respecte les traditions et que je crois en ma religion. Les Tunisiens traditionnels ne comprennent pas Ç la culture moderne et les idaux des Occidentaux È.
En revanche, quand je suis en France, les gens me voient comme une Tunisienne, et je me considre tunisienne ; les gens ne comprennent pas ma culture, ses aspects, ses coutumes, le fait quĠon soit libre de les exercer et non pas contraint. Nanmoins, la svrit de lĠducation, le respect des rgles imposes, la foi en la religion, les traditions et tout le reste peuvent sembler archaques aux Occidentaux qui considrent cela comme tant anachronique.
Je vis dans un monde occidental entoure par des personnes ouvertes dĠesprit, parfois mme un peu trop mes yeux, moi qui viens dĠun pays du Maghreb.
Pour moi, vivant entre deux socits et deux mondes diffrents, constamment en train de mĠadapter, je me demande ce qui est normal et anormal. Quel est le modle suivre ? Quels sont les repres prendre ? Que suis-je ? Enfin ? Qui suis-je ? Tout en restant proche de mes racines, serait-il possible de perdre la foi parce que les personnes qui mĠentourent nĠen ont pas, ou parce quĠon nĠen parle pas autour de moi, ou quĠon semble incapable de la comprendre, ou encore parce quĠon est sans cesse sous lĠinfluence dĠune autre conviction autre que la sienne, comme la foi catholique par exemple ?
Cette difficult dĠadaptation me portera t-elle prjudice plus tard ? Cette constante remise en question de soi est-elle un handicap ? De mme que cette peur de ne pas savoir ce qui nous arrivera demain, ou encore cette impression de devoir toujours faire ses preuves, ce qui en ralit nous permet de combler la solitude qui se trouve au plus profond de nous-mme ? Dans ces deux univers familiers et trangers la fois, jĠai parfois le sentiment dĠtre membre dĠune socit o je me sens tiraille entre Ç en faire partie È et Ç en tre carte È.
Nageant dans mes penses, je perds toute conscience du temps quand jĠentends les klaxons, alors je reprends mes esprits. Je prends ce dont jĠavais besoin et descends rejoindre ma famille.
Nothing
Marie-Aime Onhema
Ë ma famille et la Team, elles se reconnatront.
Ç Mme lĠternit me semblerait trop courte. Et ternellement notre amour infaillible survivra. È The Spill Canvas.
Ç Et parfois, jĠoublie. Et dans ces moments-l, jĠadmets que tu me manques. È Good Charlotte.
Ç Les rgles de ce jeu se modifient mesure quĠon y joue. È X.
LOGANE
J'crase ma cigarette et retourne l'intrieur de l'aroport. Je m'assois et j'avoue que je commence srieusement m'impatienter. Son avion aurait d atterrir il y a dj une demi-heure.
Ç Les passagers du vol 447 sont pris de se rendre la porte 7. È J'en ai marre. Je tourne la tte et j'aperois une affiche, non, une photo o il semble y avoir une maison engloutie. Peu importe. Je tourne une nouvelle fois la tte, en direction des arrives cette fois-ci, et je le vois arriver au loin. Toujours aussi classe dans son costume noir Armani. Toujours aussi beau avec ses cheveux bouriffs et sa moue boudeuse d'enfant puni. Julien... Je me lve et une sensation trange m'envahit. Du stress ? De la joie ? Je sais que tout va bien se passer, qu'il va m'embrasser fougueusement et que ce soir je passerai une soire inoubliable avec l'homme que j'aime. Je m'approche et esquisse un doux sourire.
─ Salut, toi !
Il pose peine un baiser sur mes lvres et me dit qu'il a appel un taxi. Je fais comme si de rien nĠtait.
***
─ a va ? T'as l'air distante ! dit-il en dbarrassant la table. Je souris.
─ Tout va bien.
─ Euh... demain je dne chez Marc, tu n'as pas oubli ?
Un temps.
─ Bien sr que non. Mais tant donn que a fait deux semaines que l'on ne s'est pas vu, je pensais... je pensais que l'on pourrait passer un peu de temps... ensemble.
Il dposa un baiser sur mon front avant de rpondre :
─ Chrie, on a tout le temps pour a, non ?
─ Si.
Il s'apprte partir.
─ Non ! (il se retourne et me fixe.)
─ Quoi ?
─ Non ! Non, on nĠa pas Ç tout le temps È, fis-je en l'imitant, demain je peux mourir, demain tu peux mourir !
─ C'est quoi lĠhistoire, Logane ?
─ Pourquoi tu ne m'as pas dit Ç je t'aime È ? On ne s'est pas vu pendant deux semaines et tu ne m'as mme pas embrasse ! Je ne te comprends pas ! Tu... non, tu n'as personne d'autre, je... Julien...
Il reste un long moment me regarder et je me sens si stupide mais il est impossible de faire marche arrire. Il dit,enfin.
─ Je vais me coucher.
Et je reste l, telle une imbcile, me demander si tout a a vraiment du sens. Si mon mariage russira survivre au fait que j'ai trop travaill pour fuir mes problmes, nos problmes. Je me demande si mon mariage russira survivre au fait que j'ai tromp mon mari. Soudain, je revois cette photo, celle avec la maison engloutie. Elle me revient comme un flash et je me dis que cette atmosphre pesante, chaotique est tout fait l'image de ma vie. Mon mariage est en train de couler et il n'y a rien faire. Plus rien faire. Je regarde l'horloge de la cuisine : 1h02.
BETHANY
J'teins mon rveil, d'un geste brusque. Et merde, aujourd'hui ce sont les vacances. Je sais, en temps normal, je devrais sauter de joie l'ide de pouvoir faire la grasse matine et de sortir en soire toute la nuit et m'exploser le nez la coke en toute tranquillit. Mais, voyez-vous, ce genre de futilit ne fait pas partie de mes passe-temps favoris. Je me lve et vais directement prendre une douche.
─ Bonjour.
─ Bonjour chrie. Bien dormi ? demande mon pre.
─ Ouep !
─ Prte pour fter ton dix-septime anniversaire ?
Vous comprenez pourquoi je dteste les vacances maintenant ! Depuis que j'ai dix ans, c'est--dire depuis que ma mre est morte, mon pre se sent oblig de faire une soi-disant fte et on boira un champagne bon march puis avec une excitation digne d'un gosse de huit ans, il ira chercher un gteau (immonde) au chocolat bourr de sucre. Et il soufflera les bougies prtextant un manque de rapidit et de ractivit de ma part. Ensuite, il m'offrira un bracelet et me dira que ma mre l'aurait srement ador (comme a il est sr que je ne le jetterai pas). Enfin, on terminera la soire regarder Les Experts ou Jean-Pierre Foucault.
Je m'assois prs de lui et dans un soupir, je dis :
─ Oui. J'imagine.
Un silence.
─ Et, moi jĠimagine qu'il n'y aura pas Annah ton anniversaire. Sa mre m'a dit que vous vous tiez disputes... cause d'un garon.
─ Pas cause d'un garon, c'tait mon petit ami !
─ Elle va mal, ce qu'il parat, elle a sombr dans la dbauche la plus totale ! Tu ne peux pas la rejeter. Invite-la ta fte...
─ Ë TA fte, tu veux dire !! Pourquoi tu plaides sa cause, hein ? CĠest ta fille ?
─ Beth ! tu la connais depuis dix ans ! CĠest ta meilleure amie, arrte de vivre dans le pass.
─ C'est toi qui dis a ? Toi, tu vis dans le pass depuis la mort de maman. Tu crois que je ne sais pas que mon anniversaire n'est que le moyen de te rappeler maman ? Tu crois que je ne sais pas que tu me tiens pour responsable de sa mort : Ç Si elle n'avait pas t en retard pour aller chercher Beth lĠcole, elle n'aurait pas grill ce putain de feu rouge et elle ne serait pas morte. È Je te lĠai entendu dire. Eh bien dsole papa ! Dsole d'tre encore en vie, terminai-je avant de monter les escaliers toute vitesse et de m'enfermer dans ma chambre. Mon pre me rattrape aussitt.
─ Bethany ! Je t'interdis de me parler sur ce ton. Je suis ton pre !!!
─ Un pre qui reproche sa fille de vivre ? Quel genre de pre es-tu papa ?
Un silence, pendant lequel chacun reprend ses esprits. Il parle.
─ Je ne t'ai jamais reproch la mort de ta mre. Tu es la meilleure chose qui nous soit arrive. TĠas parfaitement le droit de m'en vouloir si a peut t'aider, mais cesse de rejeter ta colre sur tout le monde. Quant Annah, parle-lui ou bien tu perdras encore quelqu'un que tu aimes. La vie est courte Bethany.
─ Trop courte pour perdre son temps avec des gens qui nĠen valent pas la peine, papa.
─ Trop courte pour vivre dans la haine et dans le remords, chrie.
─ Pourquoi est-ce que pardonner un inconnu est plus facile que de pardonner une personne que l'on aime ?
─ Quand j'aurai trouv la rponse, je te le ferai savoir. Ce que je peux te dire c'est que pardonner une personne que tu aimes te libre d'un poids norme et te permets dĠavancer. Rflchis-y.
Il part. Je balance un coussin contre la porte. J'aurais d rester au lit !
JULIEN
Vous avez dj eu cette drle de sensation quand vous tiez enfant ? Vous jouiez le week-end, et le dimanche matin, quand vous pensiez au lendemain, quand vous vous disiez que vous alliez devoir aller lĠcole, a vous gchait tout le reste de lĠaprs-midi. JĠai exactement la mme sensation : je veux dire, jĠai pass deux magnifiques semaines New-York et l, je suis dans lĠavion et quand je pense ma femme, je nĠai quĠune envie : repartir dĠo je viens. Ne me regardez pas comme a. Je ne suis pas un salaud. Juste un cocu. Ma femme mĠa tromp il y a cinq mois. Avec Marc, mon frre. Et je pensais vraiment pouvoir lui pardonner, cĠest vrai, tout le monde fait des erreurs, mais cĠest au-dessus de mes forces. Je ne peux mĠempcher de voir sur son visage la trahison et elle mĠapparat comme tant lĠallgorie de lĠhypocrisie. Je ne la juge pas. CĠest juste que lĠon aurait d se laisser plus de tempsÉ
JĠarrive lĠaroport de Milano et je mĠarrte une cabine tlphonique afin dĠappeler un taxi. Puis, soudain, je lĠaperois, magnifique dans une robe en mousseline violette que je lui avais offerte. Ses longs cheveux blonds sont attachs en un chignon dbraill et ses yeux bleus, transparents presque, scrutent le panneau des arrives.
Ç Les passagers du vol 447 sont pris de se rendre la porte 7 È, retentit la voix lectronique. JĠhsite un long moment avant de me dcider aller retrouver Logane. Elle me voit et je ne peux plus faire marche arrire. Elle a ce sourire coll au lvres. Ce mme sourire duquel je suis tomb amoureux et qui aujourdĠhui me dgote.
─ Salut, toi ! dit-elle dĠun air taquin. Je pose un baiser sec et rapide sur ses lvres et lui dis que jĠai appel un taxi. Elle sĠen fout. Je crois.
***
Je regarde lĠheure sur le rveil : 0h25. Je nĠarrive pas dormir. CĠest peut-tre d au fait que ma femme mĠa reproch de ne plus mĠoccuper dĠelle, blablabla. Elle nĠest toujours pas venue se coucher. JĠattends encore un peu avant de mĠendormir.
Je regarde de nouveau lĠheure sur le rveil : 1h02. Cette fois-ci, je sens que le sommeil me prend et que je ne lui rsisterai plus.
***
─ O as-tu pass la nuit ? demandai-je nerveusement. Elle boit dĠune traite son jus dĠorange.
─ QuĠest-ce que a peut te faire ?
Un temps. Elle reprend :
─ Je suis partie faire un tour puis jĠai dormi dans la chambre dĠamis.
─ Bien. Tu vois ce nĠtait pas si difficile que cela de me dire o tu tais.
Je me lve et balance ma petite cuillre dans lĠvier. ner-v, mais bien sr, je ne laisse rien transparatre.
─ a fait combien de temps !? sĠexclame t-elle. Je ne comprends pas.
─ a fait combien de temps ? rpte t-elle. a fait combien de temps quĠon nĠa pas fait lĠamour ? Hein ? a fait combien de temps que tu ne mĠas pas regarde ? TĠes-tu rendu compte quĠhier jĠavais mis la robe que tu mĠavais offerte. As-tu essay de tĠen rendre compte ?!!
─ Ë quoi tu joues, Logane ?
─ Merde, je tĠaime Julien et É
─ Ah oui et bien tu as une drle de faon de me le montrer!
─ Joue pas a avec moi, sĠil te plat.
─ Toi, ne joue pas a avec moi. Je te trouve culotte, tu me trompes et JE dois faire des efforts. Je trouve quĠessayer de te pardonner est dj bien suffisant !
─ Nous y sommes ! Tu laisses enfin sortir ta colre. coute É
─ Laisse tomber ! dis-je avant de partir.
Je monte prendre une douche et en me regardant dans le miroir, mon reflet me dgote. Ë tel point que je lui crache dessus.
ANNAH
Cinq mois plus tt.
Je mĠappelle Annah et je suis amoureuse de Sbastien.
─ Je tĠaime, Annah. Je ne devrais pas mais tu es ma femme ! dit-il en mĠembrassant. Je le regarde et me blottis dans ses bras. Je suis si bien en cet instant. Rien ne peut mĠatteindre, rien ne peut mĠeffrayer. Et mme la culpabilit que je devrais ressentir ne me fait pas peur. Pas quand je suis avec lui. Je suis tout simplement tombe amoureuse du mec de ma meilleure amie. Comment est-ce possible ? Il me fixe de ses yeux verts. Trouble, je baisse la tte. Il me la relve :
─ QuĠest-ce quĠil y a ?
─ Rien. (Un temps). CĠest possible dĠaimer en deux mois? CĠest si court.
─ Bien sr que cĠest possible, jĠen suis la preuve vivante. Il sourit.
Je me liqufie.
─ Embrasse-moi ! ordonnai-je. Il sĠexcute.
Un moment. Pendant lequel je mĠallume une Marlboro light.
─ Des Marlboro ? TĠes nul, il faut fumer des Philip Morris, elles sont meilleures, rit-il.
─ Il ne faut pas fumer du tout, riais-je mon tour. Je recrache la fume gristre de ma clope.
─ Ç Dit-elle une cigarette la bouche ! È, dit-il avec ironie.
Nous rions. Il est tellement mignon, et son sourireÉ Mon Dieu quĠest-ce que je suis en train de faire ?
─ JĠai une question : quand est-ce que tu tĠes rendu compte que tu mĠaimais ?
─ CĠtait quand tu avais pleur au tlphone parce que tu tĠtais dispute avec ton frre. Tu mĠavais atteint. JĠtais foutu. Et je nĠavais pas le courage dĠadmettre le fait que jĠtais tomb amoureux de toi. Le fait que malgr ma sparation partielle avec Beth, jĠtais en train de la trahir, on est en train de la trahir. (Un silence). Et toi ?
─ Moi ? CĠtait le soir o on tait rest jusquĠ minuit au tlphone, tu mĠas dit : Ç Je serai toujours l pour toi, je tiens dj toi Annah. Je serai toujours l. È
─ Ouais. JĠ te promets que jĠ serai toujours l pour toi.
─ Pff, a ne sert rien les promesses ! mĠexclamai-je
─ Si, a sert quand on sait les tenir !
JĠcrase ma cigarette et regarde lĠheure sur mon portable : il est 21h30.
─ Bon, dis-je, il va falloir que je rentre.
─ Ouais ? Bon dĠaccord. Tu mĠenvoies un message, ce soir ?
─ Bien sr ! Bisous !
On sĠembrasse et je disparais dans la pnombre. JĠarrive sur la plage et le vent me fait du bien. JĠaperois une dame au loin et jĠai lĠimpression quĠelle se rapproche.
─ Bonsoir.
(Ce nĠtait pas une impression).
─ Bonsoir.
─ Excuse-moi, tu nĠaurais pas du feu, jĠai oubli le mien, dit-elle en me montrant son paquet de Camel.
─ Bien sr.
Je lui tends mon briquet, elle allume sa clope et fond en larmes :
─ Madame, a va ?
Quelle idiote, bien sr que non elle ne va pas bien.
─ coutez, je sais que ce ne sont pas mesÉ
─ JĠai tromp mon mari et il ne veut plus de moi. Je lĠai trahi.
Une sensation trange mĠenvahit et jĠai lĠtrange impression dĠtre peu prs dans son cas.
─ Oui mais les sentiments, a ne se contrle pas !
─ Non, mais la raison est l pour nous guider. Trahir quelquĠun est ce quĠil y a de pire. Surtout quand cette personne vous aime.
Elle me rend mon briquet et sĠen va. Je reste bouche be. Et pour la premire fois depuis deux mois jĠaccepte enfin de voir la ralit en face : je mĠappelle Annah, je suis amoureuse de Sbastien et je suis une salope qui nĠhsite pas trahir sa meilleure amie. Ravie de vous connatre aussi ! Je mĠallume une cigarette dont je nĠavais pas vraiment envie et jĠen recrache immdiatement la fume. Cette femme mĠa bouleverse. Je vais dire la vrit Bethany. Mon tlphone sonne : CĠest Beth. Je ne rponds pas et tire une autre taffe.
Maintenant (six mois plus tard).
JĠallume la radio et cĠest NOFX qui se met hurler dans toute la chambre.
Je regarde lĠinconnu, allong sur mon lit, nu, et je tire les draps.
─ H !
─ Hum, dit-il en remuant. JĠhallucine !
─ H !, dis-je plus fort. Il se rveille.
─ Merde, laisse-moi dormir !
─ Tu dgages de chez moi, sĠil te plat.
─ Pardon ?
Je lve les yeux au ciel et mĠallume une clope.
─ Ecoute, Jordan É
─ Jonathan
─ Ouais si tu veux ! Bref, hier on sĠest bien amus, on a couch ensemble et maintenant tu vas gentiment retourner dĠo tu viens, okay ?
─ Tu me jettes dehors ?
─ Quelle perspicacit !
─ Tu ne peux pas faire a.
─ JĠvais mĠgner !
─ JĠtais juste un coup dĠun soir pour toi ?
─ Oh, arrte de me faire le numro du garon choqu qui pensait que nous allions vivre une relation magique et que nous aurions plein dĠgosses. Maintenant, dgage ! mĠexclamai-je
─ Okay, je mĠen vais !
Il ramasse ses affaires, enfile son jean en vitesse et avant dĠouvrir la porte, il reprend :
─ On dirait que le coup de foudre nĠtait pas rciproque.
─ Je ne crois pas au coup de foudre. Ni lĠamour, dĠailleurs.
─ Je ne sais pas ce qui sĠest pass dans ta vie mais on est bien trop jeune pour ne plus croire en rien. Tu crois quĠen dtruisant les autres tu iras mieux ? a ne fera quĠempirer. JĠte connais pas mais personne ne mrite dĠtre seul.
Un temps.
─ Tu connais la sortie. Ferme la porte derrire toi.
Il part sans rien dire et je mĠaffale aussitt sur mon lit. Je me sens saleÉ Et salie. Je prends le petit sachet sur ma table et en verse le contenu. Je trace cinq lignes de coke. JĠen sniffe une. Deux. Trois. LĠeuphorie commence monter. Quatre. Cinq. Je renifle et je me sens beaucoup mieux. NOFX a arrt dĠhurler dans toute ma chambre.
SEBASTIEN
Je dteste les faibles. Je dteste les filles qui, parce quĠon a couch ensemble pensent que je leur passerai la bague au doigt. Je dteste les filles qui attendent quĠon vienne leur ouvrir la portire du taxi dans lequel elles sont ou qui attendent quĠon leur tire leur chaise au restau pour quĠelles puissent y dposer leur gros derrire. Je dteste les blondes hyper silicones ou botoxes ou liftes. Pff, jĠpeux vous dire que jĠen ai vu des nanas hyper silicones, botoxes, liftes, et franchement ce nĠtait pas terribleÉ
─ Sb, tu mĠcoutes ?
─ Quoi ? Pardon je ne tĠai pas cout.
─ CĠest bien cĠest a le problme, marmonne t-elle.
─ Quoi ?
─ Rien.
Je suis ailleurs. En fait, je pense Annah, la manire dont on sĠest quitt il y a cinq mois :
─ Je ne regrette rien sauf le mal quĠon va lui faire, avait-elle dit.
─ Oui, moi aussi.
─ Merci dĠavoir rendu mes semaines plus belles, Sbastien.
─ De rien, je te souhaite plein de bonnes choses et je veuxÉ
─ Que je sois heureuse ! Blablabla. Trou du cul !
─ CĠest toi le trou du cul, souriai-je, jĠte lĠai dj dit. (Un moment). Tu vas me manquer Annah.
─ Toi aussi, mais cĠest mieux comme aÉ non ? a t-elle demand comme si elle essayait de sĠauto-persuader.
─ Oui, cĠest mieux comme a, jĠavais dit avant de lui caresser la joue et de mĠloigner. Je me suis arrt et jĠai voulu faire marche arrire puis jĠai finalement continu mon chemin, la laissant derrire moi.
─ Elle te manque, affirme Bethany.
─ Non. CĠest juste queÉ (elle se redresse sur sa chaise), cĠest juste que je trouve a injuste que tu mĠaies pardonn moi et pas elle. Je tĠaime et je sais que jĠai fait une erreur, quĠon a fait une erreur mais si tu me pardonnes, tu dois lui pardonner aussi. Elle va mal, la dernire fois mon ami mĠa racont quĠil avait rencontr une fille avec laquelle il avait couch et quĠelle lĠavait foutu dehors. Le soir o il lĠa rencontre, elle tait ivre morte. Elle se dtruit. Tu dois faire quelque chose.
─ Toi aussi tu tĠy mets ! Bon, je vais y rflchir.
Je la prends dans mes bras et je me dis que cĠest vraiment la femme de ma vie.
JULIEN
Demain, jĠai dcid de tout changer ! JĠen ai marre. Il est 2h du matĠ et je suis dans un bar de paums, compltement saoul. Je me dirige vers ma voiture mais un mec mĠinterpelle :
─ Euh, monsieur, je crois que ce nĠest pas une bonne ide de conduire dans lĠtat o vous tes.
─ JĠfais ce que É ze veux.
─ Laissez-moi vous ramener, de toute faon je dois passer prendre ma fille, Bethany.
─ MĠen fous... Oh ! Et si Johnny Cash tait encore en vie! La terre TRRRREEEMBLE ! NOUS SOMMES FOUTUS.
─ DĠaccord, venez avec moi je vous ramne.
─ NON.
─ Laissez-moi, au moins, vous appeler un taxi. Allez, soyez raisonnable. Venez.
LĠinconnu mĠappelle un taxi et attend que celui-ci arrive. Avant de monter dedans je dis :
─ Merci.
Il sourit en guise de rponse.
Le taxi me dpose devant chez moi. Je dcide de marcher un peu et traverse sur le trottoir dĠen face en titubant, jĠai peine le temps de voir la voiture arriver que je suis ject lĠautre bout de la rue É
Demain, je suis sr que rien nĠaurait chang du tout.
LOGANE
Ce matin, quand le tlphone a sonn, 3h du matin, je ne mĠattendais pas ce quĠon me dise que lĠhomme de ma vie avait t renvers par une voiture.
─ JULIEN !!!!!, criai-je en courant dans tout lĠhpital. JULIIIENNN !
─ Madame, veuillez vous calmer !
─ Mon mariÉ aÉ estÉ ici, suffoquai-je. JĠtais hystrique, jĠavais dbarqu en robe de chambre, mes cheveux taient en ptard, et mes yeux rouges tellement je pleurais. Je ressemblais une junkie en manque.
─ Logane ! dit Marc
─ MARC !!, je mĠeffondre dans ses bras et pleure.
Il mĠentrane dans la salle dĠattente.
─ Les mdecins font tout leur possible mais son cas est dsespr, il a dĠnormes lsions crbrales et de nombreuses fractures.
12h00
─ Tiens, dit Marc en me tendant un sandwich, il faut que tu manges.
─ Je nĠai pas faim.
─ Tu devrais peut-tre rentrer chez toi prendre une douche. Je tĠappellerai sĠil y a du nouveau.
─ Non ! Je veux tre l sĠil se rveille.
Je dtourne le regard et jĠaperois une jeune fille qui me regarde bizarrement, comme si on sĠtait dj vu avant. Je dtourne encore une fois le regard et vois cette photo. Encore.
Celle avec la maison engloutie. Je mĠendors sur lĠpaule de Marc.
00h36
Le mdecin entre dans la salle dĠattente et nous nous redressons aussitt.
─ Bonsoir, dit-il dĠune voix grave. ( Mon cÏur va exploser.) Monsieur Donacci sĠest rveill, poursuit-il.
JĠexplose de joie.
─ Il est encore trs faible. Il voudrait voir É sa femme.
Je lve la tte, surprise et me tourne vers Marc qui me lance un regard rassurant.
Je me dirige vers la chambre 035. JĠentre.
─ Bonsoir, vous.
─ Bonsoir, vous, rpond t-il dĠune voix rauque et lente.
Je mĠassois sur le rebord du lit et me mets pleurer.
─ H, ne pleure pas, Logane.
─ Julien, jĠai eu tellement peur que tu ne te rveilles pas ! Je É Marc et Judith sont l.
─ Judith est l ?
─ Oui.
─ Bien. coute, je veux que tu saches que notre mariage est la meilleure chose qui me soit arriv etÉ
─ Ne fais pas a ! Ne me parle pas comme si tu allais mourir.
Un silence.
─ Tu portais la robe en mousseline violette que je tĠavais offerte le jour de ton anniversaire. Et, tu avais coiff tes cheveux en unÉ en un chignon dbraill comme si tu venais de sortir du lit, alors que tu mets une heure le faire (a me fait sourire). Et tu avais mis aussi les escarpins noirs de chez Chanel que lĠon avait achets ensemble Paris.
Un silence, plus long.
─ JulienÉ Je ne comprends pas. De quoi parles-tu ?
─ Du jour o tu es venu me chercher lĠaroport. Je nĠai pas t sympa ce jour-l, ni les autres jours dĠailleurs, et je voulais que tu saches que mme si parfois je te donne lĠimpression dĠtre indiffrent et distant et de ne pas faire attention toi, cĠest faux. En fait, je veux juste te dire que ds que je serai sur pied, toi et moi É on prendra un nouveau dpart. Je tĠaime et je ne veux pas te perdre.
Je pleure.
─ Pourquoi tu pleures ?
─ Ce sont des larmes de joie, Julien ! Je tĠaime.
On sĠembrasse. Fougueusement. Puis soudain, il ne ragit plus et la machine fait ce drle de bruit que lĠon entend dans les films.
─ DOCTEUR !!
Les mdecins arrivent, sĠagitent et moi je suis plante l, impuissante.
─ Chariot de ra ! Passez-lui 2 milligrammes de CC. Madame, on va vous demander de sortir sĠil vous plat.
05h43.
Le mdecin entre dans la salle dĠattente. Nous nous levons.
─ Nous avons fait tout notre possible, seulement les lsions taient trop importantes et É
─ NON, NON, NOOOONNNN, hurlai-je.
─ Je suis dsol.
Marc me prend dans ses bras.
07h19.
Le soleil avait dj fait semblant de se lever quand Marc mĠa dpose chez moi.
Je reste un long moment parcourir le salon dĠun regard embu par des larmes qui ne demandent quĠ jaillir.
Je mĠapproche de la table manger et vois le caf moiti vide quĠil a laiss. Puis, je monte dans notre chambre et son odeur plane dans toute la pice, ses jeans et chemises Calvin Klein jonchent le sol. Et il y a cette photo de notre mariage sur la table de chevet, on tait si heureux. Je la jette contre le mur et le fracassement du verre fait un bruit apocalyptique.
JĠclate en sanglot.
ANNAH
a fait deux jours que jĠai des vomissements. Je me sens mal. Trs mal.
JĠarrive lĠhpital.
─ Bonjour, dis-je
─ Bonjour, que puis-je faire pour toi ?
Je me suis toujours demand pourquoi les adultes avaient le droit, dĠemble, de nous tutoyer et pas nous !
─ Hum, je voudrais un test de grossesse É
─ Mais cĠest la pharmacie queÉ (je fais mon regard de chien battu). Bon, je vais voir ce que jĠpeux faire.
JĠaperois une femme qui me dit vaguement quelque chose. Elle a lĠair dboussole et je ressens de la peine pour elle. Je ne la quitte pas du regard. Elle me dit vraiment quelque chose. Un temps. a y est ! Je me souviens, cĠest celle qui mĠavait demand mon briquet, un soir sur la plage. a remonte longtemps. Elle se rend compte que je la fixe et me prend, officiellement, pour une tare.
─ Jeune fille, votre test, dit la femme essouffle.
─ Merci É euh combien je vous dois ?
Elle sourit et me rpond que je ne lui dois rien. Tant mieux, je nĠavais rien, de toute faon.
Je ne peux pas attendre dĠtre chez moi, je fonce aux toilettes et fais le test.
Il ne reste plus quĠ attendre. JĠattendsÉ JĠattends.
BETHANY
Le pardon. Drle de concept. Un concept si difficile raliser. Le pardon, cette chose qui nous fait avancer. Cette chose qui nous fait dcouvrir quel point on peut avoir un grand cÏur ou au contraire quel point on peut tre rancunier et sĠenfermer dans notre pass. Parce que ce nĠest que face lĠadversit que lĠon dcouvre qui on est vraiment. Ou qui lĠon peut devenir.
Je sonne la porte. Elle ouvre.
─ Beth ? Je ne mĠattendais pas te voir. Entre.
Je mĠexcute.
─ Je voulais te parler.
─ Ecoute, je sais que jĠai fait une erreur mais tout le monde fait des erreurs, il faut juste vivre avec et je nĠai vraiment pas envie de gcher notre amiti pour un mec.
─ Est-ce que tu lĠaimes ?
Elle ne rpond rien et baisse la tte. Je prfre mĠen aller.
─ Non, attends Beth, reste ! Je ferais tout pour arranger les choses.
─ YĠa rien arranger, tu lĠaimes et je comprends. Je sais trop bien ce que cĠest que de tomber amoureuse de Sbastien.
─ Alors cĠest la fin dĠune amiti vieille de dix ans, une amiti qui a survcu une mre morte, de nombreuses disputes, lĠexclusion de lĠune dĠentre nous. JĠmĠen veux tellement. Pardonne-moi.
Le pardon. Ce concept si difficile raliser.
─ Bethany, on a surmont tant de choses ensemble. Et ce serait merveilleux quĠon puisse surmonter aussi un avortement.
─ Quoi ? fis-je tonne.
Un temps.
─ Je suis enceinte.
Un long silence.
─ Tu en as parl au pre ?
─ Lequel ?
Je ne dis rien. Je la prends dans mes bras et nous pleurons.
Notre amiti surmontera la trahison. Elle surmontera mme lĠavortement. Elle mĠa tellement manque.
Le pardon. Ce concept si difficile raliser. Mais lorsque lĠon a enfin russi passer le cap, on se dit, je me dis : Ç Mince, que cĠest bon de pardonner. È
ANNAH
Merde, je vais tre en retard ! En mme temps, ils ont lĠhabitude. JĠenfile un string, un jean moulant, des santiags marron, un marcel blanc et ma veste en cuir marron ; je lisse mes longs cheveux bruns ainsi que ma frange. Un peu de mascara, un brillant lvres transparent, une sacoche noire Zadig et Voltaire qui mĠa cot la peau des fesses. Voil. Je suis prte.
Je mĠallume une clope en attendant le bus. Je me suis fait avorter, il y a deux semaines. a fait drle. Je ne sais pas pourquoi jĠy pense encore. Je ne sais pas.
Lorsque jĠarrive au Puerto Alegre, avec trente minutes de retard, Beth, Nelly et Jose et Julian sont dj installs.
─ Hey ! Je suis dsole pour le retard.
─ On a lĠhabitude, dit Nelly.
─ a cĠest clair, renchrit Jose qui on nĠavait rien demand !
Je mĠinstalle et nous jetons un Ïil sur le menu.
1h32 plus tard.
─ Bon, je dois mĠen aller, jĠai des trucs faire !, annonai-je.
─ Et comment tu payes ? rit Beth.
─ Tu mĠinvites, souriai-je avant de dposer un billet de vingt euros.
Je sors du restau et mĠallume une clope. En ralit je nĠavais rien de prvu, jĠavais juste envie de mĠvader. Je marche dĠun pas rapide et je ne sais mme pas o je vais. Soudain, jĠaperois un jeune assis, seul, sur un banc. Je mĠapproche. a faisait plus de cinq mois que je ne lĠavais pas vu.
─ QuĠest-ce que tu fais l, tout seul ?
Il me dvisage. a me trouble.
─ Annah ?
─ Bonjour, Sbastien. Je peux ? Il fait un signe affirmatif de la tte et je mĠassois ses cts.
─ a me fait bizarre de te revoir, me dit-il.
─ Ouais. (Un temps). Je me suis fait avorte, il y a deux semaines et je fais comme si a ne mĠatteignait pas, mais la vrit est que cĠest en train de me tuer, pleurai-je.
─ Annah, je suis dsol. JeÉ
─ Non, excuse-moi, je ne sais pas pourquoi je tĠai dit a. Laisse tomber. Salut.
Je me lve et mĠapprte partir.
─ Annah, je ne tĠai pas oublie, tu sais, et je serai toujours l pour toi.
─ Les promesses, a ne sert rien.
─ Si, a sert quand on sait les tenir.
JĠai une impression de dj vu et aprs un moment, je finis par dire :
─ Ouais ? Alors o tais-tu ces cinq derniers mois ? O seras-tu demain ?
Un silence.
─ Prends soin de toi, Sbastien.
Je pars lentement, sans me retourner. Et il y a quelque chose de dfinitif dans ma dmarche.
LOGANE
Mon mari a t enterr, ce matin. Tout va bien. Je vais bien. Je me promne sur la plage immensment vide, un dimanche matin. Je mĠassois sur le sable fin, brlant presque. Le vent vient caresser mon visage serein et apais.
Je mĠallume une clope. Je ne pense pas que Julien aurait voulu que je me morfonde. Je pense que a va tre dur, trs dur sans lui mais que la tristesse finira par sĠen aller. Ce manque que lĠon ressent sĠen va, avec le temps, je crois. Avez-vous dj eu des regrets ? Cette sensation quĠon a quand on trahit une personne qui vous aime. Et lorsque cette personne vous pardonne, cĠest tellement inespr que lĠon nĠy croit mme pas. JĠai fait pas mal dĠerreurs dans ma vie mais je pense que ce qui nous fait tenir cĠest lĠespoir de rencontrer une personne avec qui on pourra affronter le monde, partager le mal-tre et le manque que lĠon a tous au fond de nous. Vivre nĠest pas simple. Vraiment pas. JĠavais enfin cette personne avec laquelle je pouvais combattre lĠphmre de la vie et la facticit des personnes qui nous entourent. Cette personne nĠest plus l. Eh, quoi ? Je nĠabandonnerai pas, je me battrai jusquĠau bout. Je lui dois bien a. Ë tous ceux qui pensent quĠils ne sĠen sortiront jamais, tous ceux qui ont mal, aux Ç pardonneurs È et aux Ç pardonns È, vous chers lecteurs gardez espoir, ne vous laissez pas abattre. La souffrance est juste l pour nous rappeler que nous sommes vivants et que quelque chose de meilleur nous attend. Ne jamais sĠavouer vaincu. Je ne mĠavoue pas vaincue. Une larme a coul sur mon visage. Je regarde lĠhorizon et une sensation trange mĠenvahit.
JĠcrase ma cigarette.
Les tapas
Lonie Guilbert
Le soleil tait chaud et lĠombre rare. LĠair tait lourd et pesant, comme la veille dĠun orage. De grosses gouttes de sueur ruisselaient dans le dos dĠAlec. Il avait le regard perdu dans le vague, fix sur les enfants qui glissaient sur le grand toboggan jaune du parc, en poussant de petits piaffements d'excitation. Une fois en bas, ils se prcipitaient sur lĠchelle pour recommencer la descente, pril enfantin. Ils allaient et venaient tte nue, sans que leurs parents se soucient de les protger. Alec songeait se lever, dire ces couples quĠils taient de mauvais exemples de prvention. Il ne le faisait pas. Il nĠtait pas assez sot pour ne pas prvoir les ractions auxquelles il devrait faire face. Les gens, dĠune manire gnrale, ne comprennent jamais les remarques quĠon leur fait.
─ Tu mĠcoutes ?
Non, il nĠcoutait pas. Elle lĠennuyait. Elle parlait depuis quinze minutes, sĠpuisant en un vain monologue. Elle lui faisait encore remarquer, et ce pour la quatrime fois, son immaturit. Un Ç Je te quitte, cĠest fini È aurait suffi. Ë quoi bon un long discours ? Pourquoi expliquer les raisons du dpart ? On partira quand mme et lĠautre se retrouvera seul dans tous les cas. Les femmes parlent trop. Les gens, dĠune manire gnrale, parlent trop.
Angle tait jolie. On ne pouvait pas aller jusquĠ dire quĠelle tait belle mais elle avait un charme bien elle. Elle nĠtait pas grande, mais pas petite non plus. Elle nĠtait pas grosse, mais pas vraiment mince. Sa taille semblait fine, mais sa jupe dissimulait habilement de fortes hanches. DĠAngle manait toujours une lgre odeur de transpiration, particulirement aprs lĠamour. Une aurole brune encadrait son visage maigre, aux joues rebondies. Ses petits yeux anxieux, dĠune couleur indistincte, taient enfoncs dans leur orbite. Sa bouche, ni fine ni pulpeuse, avait un got de cerise industrielle. Les ongles des doigts potels de ses petites mains grises taient toujours parfaitement vernis dĠun rouge coquelicot (corail rptait-elle sans cesse).
Elle tourna le dos Alec et partit en faisant remuer les graviers, trs droite sur ses hauts talons. Elle avait rellement un air de petite poupe trop poudre.
Neuf mois. Leur relation avait dur neuf mois. Ils sĠtaient rencontrs au mariage dĠun ami commun. CĠest une bonne occasion pour les rencontres. Elle riait beaucoup, dĠun rire forc. Les hommes sĠintressaient elle. Cela lui plaisait. Il restait tranquille dans son coin, ct du buffet. Elle avait remarqu quĠil ne la regardait pas. Elle tait venue lĠentraner danser, il avait refus, lui avait propos un verre. Ils avaient termin la soire dans une chambre dĠauberge.
Puis ils taient repartis chacun de leur ct ; ils vivaient loin lĠun de lĠautre. Deux semaines plus tard, il lĠavait rappele, il tait venu la voir en train, ils avaient pris un caf et leur relation avait redmarr. Alors, tous les vendredis soir, il prenait le train de 19h54 et arrivait chez elle 20h47. Elle lui prparait un mauvais repas, ils mangeaient en vitesse, se rendaient dans sa chambre et faisaient lĠamour. Une fois lĠacte achev, elle sĠendormait rapidement, dos lui. Lui, regardait le plafond dont la peinture sĠcaillait et, comme il ne trouvait pas le sommeil dans ce lit poussireux, il allait regarder la tlvision dans le salon, visionnait une ou deux missions inintressantes avant de sombrer dans le sommeil. Le matin, il se rveillait au son des klaxons, nu, sur le canap. Angle tait partie travailler. Elle tait esthticienne. Alec sĠhabillait avec les vtements de la veille, fermait la porte et glissait la cl sous le paillasson. CĠtait devenu une habitude, un geste rgulier. Le jeune homme, dĠune trentaine dĠannes, djeunait la gare dĠun croissant et dĠun jus dĠorange avant de prendre le train de 9h42.
Comment avait-il tenu autant de temps avec cette fille, totalement oppose sa nature ? Il nĠavait jamais rellement connu de filles. De femmes. Elle tait celle qui tait reste le plus longtemps. Il admirait rellement le sexe fminin mais ne tmoignait pas assez son amour. On ne le lui avait jamais appris. Sa mre tait morte, six mois aprs sa naissance, renverse par un touriste. Son pre ne sĠen tait jamais rellement remis. Dpressif, il parlait peu, mur dans sa dtresse. Quand il eut dix-huit ans, Alec partit. Lche. Ce mot lui tait rest longtemps dans la tte. Comment peut-on abandonner son pre, quand on sait que lĠon est son seul soutien ? Mais il nĠavait pas voulu le soutenir toute sa vie, prisonnier dĠun malheur quĠil nĠavait pas choisi. Il avait dĠabord t vendeur ambulant de pastques, avant dĠobtenir un emploi chez McDo. AujourdĠhui, il fabriquait des moteurs la chane mais son contrat devait se terminer dans les prochaines semaines.
Aprs avoir fum ses trois dernires cigarettes, Alec quitta le parc. Il vagabonda de rue en rue. Les passants taient rares ; la ville paraissait fantomatique, comme coupe du monde et de la socit. Sa puanteur et sa chaleur exilaient les visiteurs et clotraient les autochtones derrire leurs volets ferms. Les rues semblaient grasses et molles, telle une glace fondant sous le soleil ; on y marchait lentement, accabl, comme si nos pieds sĠengluaient dans le sol, plus profondment chaque pas. Avec la nuit, la bourgade, grise le jour, s'illumina de lampadaires grsillant et de quelques nons mal rgls. Les habitants osaient alors quitter leur havre de fracheur que constituaient les habitations pour animer les quartiers. La musique enflait progressivement dans tous les bars populaires o sĠattroupaient hommes et femmes dans un brouhaha assourdissant.
Alec fuit la foule et rejoignit la plage de galets et dĠclats de verre. Loin des lumires de la ville, le jeune ouvrier dut attendre quelques instants que ses yeux sĠadaptent lĠobscurit. La mer ressemblait une flaque dĠhuile noire qui avalait et recrachait la plage au rythme des vagues. Des baraques modestes empitaient sur cet espace dpeupl. La berge tait mince et troite : quelques mtres, peine.
Alec dambula prs dĠune heure, sĠloignant vers lĠouest dĠune dmarche saugrenue. Les galets sĠentrechoquaient sous lui en claquements singuliers. LĠair tait sal et lui collait la peau mais la temprature tait descendue et devenue largement supportable. Il se sentait bien.
Soudain, dans un tournant, sans prvenir, une vive lumire lĠblouit fortement, comme si le rayon lumineux tait entr si profondment dans sa pupille dilate quĠil avait eu assez de puissance pour transpercer sa rtine. Alec, par rflexe, porta sa main au visage dĠun geste brusque pour se protger. Ayant quitt la dernire source lumineuse plus dĠune heure auparavant, il lui fallu quelques secondes pour apprhender celle-ci. Ce qui semblait lui avoir travers le crne nĠtait en ralit quĠune simple guirlande de lampions bleus, orange et verts. Elle illuminait une terrasse o trnaient trois ou quatre tables de jardin et tait cense permettre de lire un nom de brasserie illisible.
Il continua sa route dĠun pas rsolu, longea le bar o jouaient quatre hommes et puis, comme la faim le tiraillait, il stoppa sa marche, se retourna. La tte dĠabord, le buste ensuite et enfin le corps en entier. Il revint, avanant dĠune dmarche hsitante et irrgulire, la tte cale entre les paules. Il tait tard et le caf (contrairement aux bars du centre ville) ne semblait pas tre de ceux qui restent ouverts jusquĠ lĠaube, mais peut-tre accepterait-on de lui donner quelque chose. Les joueurs de cartes indiquaient bien que lĠtablissement nĠtait pas ferm. Ayant franchi lĠentre de la terrasse, il salua les hommes dĠun hochement de tte maladroit et fona vers lĠintrieur sans attendre de rponse, trop craintif pour affronter leurs regards.
La salle tait coquette. LĠambiance tait chaleureuse, accueillante, intime. Les meubles taient en bois sombre, bois quĠun luminaire vieillot irisait de reflets miel. Un ventilateur, pendu au plafond, ronronnait dĠun murmure irrgulier. Des rideaux ocre, bon march, cachaient les fentres. Ë ct de lĠune dĠelle tait attable une femme entre deux ges, les cheveux grisonnants. Elle sirotait tranquillement une limonade. En face dĠelle, trnait un vase garni de fausses fleurs.
Alec alla sĠappuyer au comptoir qui tait cal dans un angle de la pice, non loin dĠun raide escalier. Ë ct des pompes bire, un petit chevalet prsentait un petit paquet de petites cartes de visites. Alec en prit une quĠil fourra machinalement dans sa poche aprs avoir lu le nom du bar. Il se trouvait Ç Chez Denis et Gloria È. Il piocha un cure-dents dans le pot en carton vert qui se trouvait ct de lui et le mchouilla mcaniquement, comme lĠaurait fait un gamin de huit ans.
Au bout de quelques minutes, un homme sortit dĠun couloir en sĠessuyant les mains lĠune contre lĠautre. Imposant, il respirait la bonhommie, ce qui le faisait ressembler un norme ours en peluche. En voyant Alec, il appela Ç Gloria È dĠune voix grave. Il sourit dĠune large bouche au jeune homme avant de retourner sa place, en face de la femme la limonade.
Une vieille femme, fripe comme une olive noire, courte sur pattes, apparut en haut de lĠescalier quĠelle descendit en quelques secondes.
─ QuĠest-ce que je vous sers ?
Ses yeux ptillaient de bont et ses lvres menues sĠtiraient dĠun bout lĠautre de son visage en un sourire candide. Elle avait un air enfantin malgr les rides. Une mche dĠun blond pass, chappe de son chignon, lui courait sur le front. Elle portait une robe imprim fleuri, en partie cache sous un tablier blanc, nou dans le dos.
─ EuhÉ des tapas sĠil vous plat.
Elle sĠempressa dĠaller les prparer. Pendant ce temps, Alec regarda le couple au fond de la pice. LĠhomme avait pris la frle main de la femme dans sa grosse patte poilue. La vieille femme revint peu aprs avec une large assiette de tartines dĠaoli et de charcuterie. Elle repartit chercher une soucoupe dĠolives vertes et une carafe dĠeau. Le dner tait simple mais merveilleux. Il se sentait bien. Intimid, comme toujours, mais les gens qui lĠentouraient semblaient heureux et lui souriaient.
Un des joueurs de cartes, un dnomm Leandro vint discuter avec la matresse des lieux. Il semblait avoir le mme ge quĠelle. Il avait le crne dgarni et une paisse moustache lui cachait la lvre suprieure.
Comme Alec ne savait o dormir, la vieille Gloria lui prpara une des deux chambres dĠhte de lĠtage. Il monta se coucher tandis que les clients quittaient le caf. La pice tait exigu, sous les toits, mais le matelas tait moelleux. Il sĠy enfonait si largement que celui-ci semblait lĠenvelopper compltement, comme un cocon. Ou plutt, comme le ventre dĠune mre.
Le matin, Alec fut rveill par les rayons du soleil qui filtraient travers le rideau. Il sĠhabilla lentement et descendit lĠescalier avec mollesse. La patronne tait dj derrire son bar. Une table avait t prpare. On y trouvait sabls, lait, oranges et fruits secs, crales, pain et confiture. Ç CĠest pour vous È, lui indiqua Gloria de sa voix nave. Alec alla sĠinstaller et djeuna. Il y prit du plaisir. Cela lui changeait des fades croissants de la gare. Pendant ce temps, il observait Gloria. Elle tait travailleuse : constamment en mouvement, nettoyant le sol ou arrangeant la dcoration de table.
Ils changrent quelques mots. Elle tait veuve : son mari, Denis, tait dcd huit ans auparavant. Cancer de la prostate. Elle avait dcid de continuer faire vivre le caf quĠils avaient ouvert ensemble en 1954, peu aprs leur mariage, mais cela devenait de plus en plus difficile. Elle avait toujours la motivation mais la force physique lui manquait. Elle nĠavait Ç plus dĠhomme ses cts pour rparer les petites chosesÉ(Et ce ventilateur qui fonctionnait mal !) È. Alors, les clients avaient peu peu disparu. Des buvettes plus Ç jeunes È sĠtaient dveloppes en centre ville. Il nĠtait rest quĠune poigne dĠhabitus. Il y avait Hector et les joueurs de cartes. Ils taient cinq parier au dpart mais lĠun dĠeux tait mort lĠan pass. Un jour, Hector avait ramen une femme. Il lĠavait pouse. Cela changeait Gloria de lĠunivers masculin du bar.
Tout le long de son rcit, elle souriait, faisait des mimiques en se remmorant des anecdotes. Elle ressemblait une mamie-gteau.
Alec ne parla pas de lui.
Leandro, premier client de la journe, arriva 9h. Il fit un baisemain Gloria de sa moustache qui chatouille. Alec lui en voulut lgrement de venir troubler leur discussion mais Leandro, vieil homme aux allures de clown, le ramena la gare en auto.
De retour chez lui, Alec reprit ses habitudes dĠouvrier mal pay. Tous les jours il montait des moteurs. Tous les soirs, il regardait des missions o les candidats gagnent des millions en quelques minutes et o les prsentatrices ont de beaux dcollets. Le week-end, il sĠinstallait sur son balcon et fumait des paquets entiers de cigarettes. Un samedi, en nettoyant son linge, il retrouva la petite carte de Ç Chez Denis et Gloria È.
Deux semaines plus tard, il y revint. Il sĠy rendit ainsi rgulirement, par le train de 19h54 du vendredi soir. Il commenait tre accept dans le petit cercle des fidles du caf, principalement depuis quĠil avait rpar le ventilateur. Gloria, en voulant le rparer seule, tait tombe de lĠescabeau et sĠtait cass le poignet. Il sĠtait alors propos pour sĠen charger. De plus en plus souvent, Gloria lui rduisait ses factures en change de menus bricolages (bloquer une table bancale, rparer le verrou des toilettesÉ).
Alec aimait normment la vieille dame. Elle sentait la lavande et le thym. Ses tenues taient toujours assorties son humeur gaie. Elle tait la premire femme quĠil aimait. Une mre. Sa mre. CĠest ce que disait son cÏur, mais lui ne disait rien. Paralllement, Alec avait toujours du mal apprcier Leandro quand Gloria tait prsente. Quand ils taient entre hommes, il le trouvait sympathique, mais ds que Gloria apparaissait, il tait forc dĠadmettre que celui-ci tait proche de la dame fleurie. Plus proche que lui. Et pour cela, il lui en voulait. Alec prenait alors sur lui et arrivait profiter du bonheur quĠil prouvait en compagnie de tous ces personnages, tous attachants.
Un mois plus tard, le contrat du jeune homme arrivait son terme. Gloria acceptait de lĠengager comme homme tout faire de la maison. Il logerait sur place. Il nĠtait pas all Ç Chez Denis et Gloria È un week-end pour pouvoir prparer ses affaires au calme (il nĠavait quĠun grand sac de sport jaune comme bagage), rgler les dtails avec le propritaire et signer les papiers la prfecture.
Le jour fatidique approchait. Il trpignait dĠimpatience. Ë lĠide de faire un mtier qui lui plaisait auprs de personnes quĠil adorait, Alec prouvait une vritable exaltation intrieure. Il tait heureux pour la premire fois de sa vie. Il pouvait enfin goter la libert – vivre et ne pas supporter.
Le vendredi, 20h47, il dbarqua en hte du train et se prcipita dans lĠomnibus qui le menait la brasserie. Le temps du trajet, il regarda dfiler le paysage. Les rues sĠenfilaient, toutes semblables. Une sorte de quitude lĠentoura de ses bras, le berant comme un enfant.
Il arriva au caf dtendu, gai. Il trouva Hector assis sur le muret de la terrasse, recroquevill sur lui mme. La tendre bte tait devenue un enfant chtif. Devant lĠair interloqu dĠAlec, il murmura, dĠune voix qui se voulait compatissante:
─ Tu ne sais pas ? Elle est morteÉ
Enora
Jennifer Chantrel
Un rythme rgulier accompagnait la course effrne, une sorte de tambourinement mental que provoque le sang dans la tte lorsqu'un individu est stress ou soumis un effort particulirement intense.
Enora voluait travers la vgtation, elle slalomait toute vitesse dans le maquis. Aussi vite que ses pieds la portaient, elle allait. La jeune fille svelte s'avanait dans les endroits les plus improbables fuyant quelque chose ou quelqu'un. Devant elle, la vgtation dense et imposante commenait s'parpiller pour devenir presque clairseme lorsquĠelle dboucha, hors d'haleine, la lisire dĠun grand creux au milieu de la colline. Une chose faite de vieilles pierres uses, fissures, fracasses par le temps et les intempries. Parfois certains endroits, il ne subsistait qu'un morceau de pierre esseul et cass en plusieurs morceaux; le tout formait quelque chose de lointain et fragile, mais tait tout de mme imposant. Cet difice d'un temps lointain imposa le silence la jeune fille, tandis que ses yeux balayaient les restes de pierre.
Enora reprit peu peu conscience du monde qu'elle avait nglig pendant sa course; les rayons de soleil sur sa peau lui laissrent un frisson tandis que le son strident des cigales emplissait doucement l'espace. Le corps de la jeune fille redevint lourd et accabl par la chaleur et l'effort. Oui, elle venait de courir sous cette chaleur pour rien, elle n'avait rien vu, c'tait une illusion, rien d'autre. Elle passa une main rapide dans sa chevelure brune, un geste qui montrait le soulagement de se retrouver dans un lieu si ouvert. Enora reconnut alors lĠendroit, c'tait l'amphithtre situ au nord de la ville de Syracuse, il tait normal quĠelle marque un temps avant de reconnatre le lieu, elle n'y avait pas mis les pieds depuis plus de cinq ans, depuis la mort de son oncle.
La jeune fille baissa les yeux devant le soleil battant d'Italie et chercha un point, une personne, elle ne trouva qu'un lieu dsert. Au moins elle n'aurait pas parler cette langue qui la fuyait depuis tant d'annes. Il fut un temps o elle la comprenait, mais cette poque tait rvolue ; aujourd'hui cette langue lui tait redevenue compltement trangre. Elle sortit alors de sa rverie et fit quelques pas, descendit ces marches de pierre o tant de gens avaient pos leurs pieds et s'arrta un peu plus bas. Son esprit tait vide.
Le regard d'Enora cherchait un point d'appui, comme pour soutenir son corps tout entier qui commenait tanguer sous la chaleur du soleil. Elle remarqua justement que celui-ci entrait dans sa phase descendante, car les ombres s'allongeaient lentement. Dans quelques heures la chaleur serait soutenable. Le sable qui se trouvait sous les pieds de la jeune fille crissait ses moindres mouvements lorsqu'elle alla s'asseoir sur l'un des bancs de pierre. Seule au milieu de cet ensemble, elle pouvait entendre le ressac de la mer qui un peu plus loin frappait les rochers. Elle resta un moment sans rien dire ni bouger, trop occupe couter le chant des oiseaux. Au bout d'un moment, un bruit attira son attention, un bruit qui venait de derrire son dos, un bruit de pas. Son ventre se serra, crant un afflux de bile dans sa bouche mais elle prit son courage deux mains et tourna la tte pour dcouvrir une immense vague humaine qui dferlait droit sur l'amphithtre.
Enora crut d'abord un arrivage de touristes, mais leurs habits taient composs de chitons de couleurs et de tailles diffrentes. Les gens eux aussi taient de taille, couleur, ge et corpulence totalement diffrents. C'est ce moment que la jeune fille crut une reconstitution historique, mais cette ide lui sortit de la tte, car elle-mme semblait tre invisible aux yeux du groupe qui voluait dans l'enceinte de pierre. Les personnes passaient, parlaient entre elles, mais aucune ne semblait prter attention la jeune fille. Certaines passrent devant elle en la regardant comme si elle faisait partie du dcor. Une certitude s'imprima dans son cerveau, ils ne la voyaient pas. Les yeux ptillants d'Enora s'agrandirent, elle se trouvait devant ce dont elle avait toujours rv : un phnomne trange.
Il n'y avait pourtant aucune brume macabre autour de ces gens, aucun signe d'un phnomne trange. Enora dtendit ses muscles, elle allait trop vite en besogne, peut-tre que la reconstitution historique tait la meilleure option. Elle repensa au journal pos ce matin sur la table, aucun article ne parlait d'vnement de ce genre, elle en tait plus que sre. La jeune fille ferma les yeux et les rouvrit d'un coup. Tout cela semblait de plus en plus irrel, les gens continuaient voluer dans l'amphithtre, mais bientt ils furent tous assis. Enora se tournait dans tous les sens pour voir si quelqu'un la regardait, mais personne ne faisait attention sa petite personne. Il se passa un moment sous le soleil qui perdait de son ampleur avant que les poils de la jeune fille se dressent sur sa peau, comme si quelqu'un la fixait. Elle se tourna et regarda autour d'elle, son regard rencontra celui de quelqu'un d'autre. Ils restrent un moment se fixer dans le blanc des yeux, avant que Enora, prise dĠune peur incontrlable, se lve et s'lance dans l'difice de pierre. Les yeux la suivaient tout de mme et c'taient bien les seuls.
Ce regard vif et froid semblait dtailler ses moindres mouvements, pourtant il lui semblait qu'il y avait quelque chose de connu dans cet acte de dfi. La jeune fille ne cherchait plus qu' s'loigner de ces yeux, ne pouvant distinguer le visage dans la foule. La chair de poule qui se formait par moment sur sa peau lui donnait rgulirement des frissons, tandis que le son des cigales se faisait plus fort et strident, comme une alarme qui vous crie Ç Danger !! È.
Enora bougeait mais sans oser sortir de l'amphithtre, dans l'espoir de quitter ce regard juste un instant. Puis c'est tous les sens en alarme que la jeune fille commena voir le monde se dformer sous ses yeux. Elle n'avait que pour bruit de fond les maudites cigales et son champ de vision oscillait entre la vision brouille du maquis ou de l'amphithtre, puis ce fut le noir complet.
Le rveil fut brutal, comme lorsque l'on reoit de l'eau en plein sommeil, ce fut la mme chose pour la jeune fille, sauf qu'elle ne reut rien, pas la moindre goutte d'eau, ni objet dĠaucune sorte. Pourtant, elle se sentait agresse par quelque chose, comme dans cet affreux rve. Sa peau collait ses vtements lgrement tremps par la sueur, le soleil tait dj loin dans sa phase descendante, ce qui choqua Enora. Regardant le banc de pierre sur lequel elle tait penche, et les plis et anfractuosits qu'avaient laisss la pierre sur sa peau. Combien de temps avait-elle dormi ? Ce rve n'tait-il pas trop rel pour exister ? En se remettant dans une position assise, elle serra ses mains, un sourire plus que lger aux lvres. Elle pensait vraiment qu'elle venait d'tre tmoin d'un trou spatio-temporel... Mais alors, qui taient ces yeux ?...
Un bruit dans son dos, le crissement d'une chaussure sur le sable, un peu plus haut sur l'amphithtre la fit sursauter. Les doutes taient de retour dans ces mandres profonds servant de cerveau l'tre humain... Sa tte tourna doucement trop curieuse de dcouvrir le visage de la personne. Un jeune homme d'environ dix-sept ans se tenait adoss un arbre, une pause nonchalante qu'il rendait forte et qui lui confrait un air de supriorit. Le sourire sur son visage et ses cheveux dĠbne en bataille apportaient un charme mystrieux lĠinconnu. Enora se tourna un peu plus, dtaillant ce regard qui la fixait, un mal-tre profond se propagea dans son tre, elle connaissait ce regard, c'tait le mme que dans son rve. Froid, vif, arrogant et sr de lui. Pourtant, au plus profond de sa mmoire, il lui semblait avoir dj rencontr ce regard, mais o ?
La jeune fille pronona d'une voix tremblante en oubliant de parler italien :
─ Vous cherchez quelque chose ?
L'allure dsinvolte de jeune homme lui apportait un charme. Lorsqu'elle lui parla, il se mit bien en face d'elle et dit d'une voix sre et dans un franais parfait :
─ Oui ! toi, EnoraÉ
Comme une brise frache de la nuit tombante, sa voix fit comme cho dans sa tte, elle avait dj rencontr cette personne avant, c'tait une certitude maintenant. Il tait la personne qui l'avait surprise un peu plus tt sur le chemin et l'avait force fuir en lui inspirant de la peur, mais comment connaissait-il son nom ?
Voyageuse
Solne Colin
En France, il fait chaud : 30Ħ. En Grce, plus encore : 45Ħ.
45Ħ suffoquer ainsi quĠ visiter des ruines, des muses et autres vieilleries.
Aprs ces deux phrases et demie, quelques explications sĠimposent. Mes parents sont de grands voyageurs, ce que les autochtones se plaisent appeler, en dĠautres termes des pigeons de touristes. Depuis leur plus tendre enfance, ils rvent dĠaller en Grce, pays de la dmocratie, du thtre, et mme des jeux olympiques. Bref, un pays que tout le monde aimerait visiter. Except moi.
En effet, je nĠai pas hrit de leur fibre de globe-trotters, ni de leur esprit dĠaventuriers. JĠaurai prfr rester chez moi pendant les grandes vacances, au lieu de me retrouver ici, faire semblant dĠtre intresse par tout et nĠimporte quoi.
Aprs ces menus dtails, il serait peut-tre bien venu que je me concentre sur lĠessentiel et que je me prsente, non ?
Je mĠappelle Elora, jĠai 16 ans et jĠhabite en rgion parisienne (information trs importante, comme chacun sait). Je vais rentrer en 1re lĠanne prochaine, ce qui fait que je nĠai aucune anne de retard ou dĠavance. Quant aux notes, puisque je sais que a intresse pas mal de gens, et bien cĠest correct. Correct, ni plus ni moins. Pour en revenir lĠhistoire, donc, cette anne, mes parents se sont enfin dcids franchir le pas, et la Mditerrane, afin de visiter le pays de leurs rves. Seul bmol : ils mĠont pris comme colis. En effet, mes gniteurs mĠont inscrite en mme temps quĠeux, au sein dĠun groupe de randonneurs, dans lĠhonorable but de visiter les mystrieuses constructions grecques.
Le guide, qui rpond au doux nom de Philippe, est un petit homme, entre deux ges, assez taciturne. CĠest certainement le seul point commun que nous ayons. Pour le reste, il semble passionn par toutes les civilisations antiques, et adore marcher. JĠai lĠimpression quĠil prend un malin plaisir faire passer notre groupe par toutes les ruelles sans intrt.
Nous sommes en Grce depuis trois jours, et nous avons dcouvert Athnes, la capitale, ainsi que quelques villes aux alentours. Si jĠai bien compris, la suite du programme consiste en une srie de longs trajets en bus, travers tout le pays, pour aller, Sparte, Olympie, et enfin lĠle de Rhodes.
Le plus beau, dans tout a ? Je suis malade en transportÉ
LĠhorloge du caf auquel je suis attable annonce 17 heures. Le bus part en dbut de soire, il me reste donc de longues minutes attendre mon groupe. Depuis le lever du soleil, Philippe nous a emmens travers plusieurs villages et certains muses. Nous avons march toute la journe, sous une temprature extrmement leve, il est donc parfaitement normal que je sois fatigue. Nanmoins, je semble la seule : toutes les personnes de mon groupe (la plupart tant ges dĠune soixantaine dĠannes) sont en pleine forme, ainsi que mes parents, qui ont dcid de suivre le guide, dans lĠamphithtre qui surplombe la ville o le bus est cens partir.
JĠai prfr rester seule, siroter un jus dĠorange dans lĠunique caf des alentours, dont lĠhorloge indique maintenant 17 heures 05. De ma place, jĠobserve lĠantique construction. CĠest le cinquime amphithtre que lĠon voit depuis le dbut du voyage, et mme en me forant, je ne comprends pas lĠintrt de visiter pour la nime fois les mmes ruines.
AujourdĠhui, entre deux visites interminables, le guide nous a rvl quĠil tait n dans cette ville, et que ses parents et lui taient venus en France alors quĠil tait g dĠ peine quelques mois, pour je ne sais plus quelle raison. Il y avait vcu une trentaine dĠannes, jusquĠ ce quĠil devienne guide pour certaines agences de voyages, et retourne dans le pays de sa naissance. Comme si sa vie pouvait nous tre dĠun quelconque intrtÉ
Tout coup, quelque chose apparat dans mon champ de vision. Soit la chaleur me fait halluciner, soit mon pre est tout en haut de lĠamphithtre, et me fait de grands signes de la main. Aprs quelques secondes dĠhsitation, le doute nĠest plus possible : il nĠexiste aucune autre chemise au monde aussi laide que celle que mon paternel porte aujourdĠhui. Cela ne peut tre que lui. Je me rsigne, pour lui faire plaisir, lui faire signe mon tour. Il semble spcialement nerveux. Je crois comprendre, dĠaprs ses mimiques tranges, quĠil me demande de venir dans lĠamphithtre. Je commenais mĠennuyer srieusement, et mĠtant lgrement repose, je dcide dĠaller voir ce qui se passe. Qui sait, peut tre y aurait-il quelque chose qui sort de lĠordinaire ?
Tout en commenant lĠascension de la colline qui mne aux ruines, mon sac sur le dos, jĠespre secrtement quĠun vnement inattendu, quel quĠil soit, raccourcisse notre sjour en Grce. Essouffle, jĠarrive au niveau de lĠamphithtre. JĠy pntre par une sorte de tunnel, assez poussireux. Je crois un instant mĠtre trompe de chemin, quand jĠaperois un flot de lumire au bout. Je dbouche en plein milieu des gradins. LĠancien btiment nĠest pas diffrent de tous ceux que jĠai vus avant : circulaire, assez haut, de nombreux bancsÉ et quelques touristes disperss ici et l.
Beaucoup de gens disent que, en entrant dans un lieu trs ancien, il y a quelque chose de magique, comme un lien entre le pass et le prsent. Mais, malgr de nombreuses visites de ruines et autres curiosits, je nĠai jamais rien ressenti de la sorte. Pas de magie pour moi.
Mes penses et moi-mme nous faisons bousculer par un imposant touriste (certainement amricain, vu lĠaccent quĠil a quand il sĠexcuse de son impolitesse). Sortie de mon engourdissement, je jette un coup dĠÏil autour de moi, afin de reprer mon groupe. L o mon pre se tenait il y a plusieurs minutes, il nĠy a personne. Aucun amas de touristes franais lĠhorizon. Gnial. Je fais plusieurs fois le tour des gradins, monte tout en haut de lĠamphithtre, observe les alentours, redescends. Rien de rien, il est dur de cacher une vingtaine de personnes dans un amphithtre. Il faut se rendre lĠvidence, o quĠil soit, mon groupe nĠest pas ici. Toute la fatigue accumule depuis trois jours me rattrape, et je me laisse tomber sur un banc. Je sens que je mĠassoupis doucement. Le soleil commence dcliner. En mme temps que lui, mes paupires se ferment.
JĠentends un brouhaha anormal. Quand je rouvre les yeux, le soleil est miraculeusement revenu son znith. Je regarde autour de moi, et je peux vous assurer que la remonte incroyable du soleil nĠest pas le plus extraordinaire de lĠhistoire. Je suis entoure de centaines de personnes en toges, tuniques ou autres vtements que plus personne ne porte depuis longtemps. Elles semblent toutes attendre quelque chose, et ont toutes le regard braqu sur la scne.
Mon esprit trs cartsien prend immdiatement la suite de mes penses, et en conclut que je me suis endormie pendant presque une journe, que mes parents mĠont oublie, tellement obnubils par les merveilles de la Grce, et que des gens ont dcid de faire une reconstitution dĠun spectacle grec dĠil y a plusieurs millnaires. Bon, dĠaccord, a ne tient pas la route. Elles sont o, les camras caches ? QuelquĠun a certainement voulu me faire une norme farce. Mais qui ?
Tout coup, un groupe dĠhommes apparat au centre de lĠamphithtre. CĠest alors que je remarque que lĠancienne construction, qui tait, avant que je ne mĠassoupisse, presque en ruines, est dsormais comme neuve. JĠai de plus en plus de mal comprendre ce quĠil mĠarrive. Un des hommes commence parler. CĠest marrant, a y ressemble, mais il ne parle pas grec. Ni anglais. NiÉ aucune langue que je connaisse. Nanmoins, sa manire de sĠexprimer rveille en moi des souvenirs enfouis depuis plusieurs mois. Je capte quelques mots et jĠen comprends le sens quasi instantanment. Dans un flash, la rvlation se fait moi : cĠest bien du grec, mais du grec ancien.
Ah, cĠest vrai, petit intermde en plein milieu de lĠaction, mais il vaut mieux que je le prcise : mes parents, voyant que mon collge proposait certaines options, mĠont forc faire deux heures de grec chaque semaine en troisime ainsi quĠen seconde. Mes deux annes dĠtude de cette langue morte mĠont permis dĠavoir quelques bases, mais cela fait tout de mme un choc dĠentendre parler une langue disparue depuis quelques milliers dĠannes.
Quelques milliers dĠannesÉ Soyons dĠaccord, soit cĠest le plus gros canular que jĠai jamais vu, soit jĠai remont dans le temps jusquĠ la Grce antique. Je ne sais pas trop laquelle des deux solutions est la pire. Plusieurs choix sĠoffrent moi dsormais : je me lve en criant que jĠai compris que tout nĠest quĠune norme blague, ou je ne bouge pas et jĠattends. Dans le doute, la seconde option lĠemporte.
Au centre de lĠamphithtre, les hommes continuent parler, tout en faisant un semblant de mise en scne. Je crois comprendre que jĠai atterri en plein milieu dĠune sorte de spectacle ou pice de thtre grecs. CĠest bien ma veineÉ JĠai quelques questions auxquelles il faut absolument que je trouve des rponses dans les plus brefs dlais. Premirement, est-ce que jĠai rellement remont le temps, ou cĠest juste un concours de circonstances qui a fait que je me retrouve entoure de Grecs en toge ? Ensuite, et surtout, comment faire pour que tout redevienne normal ? Je dois lĠavouer, je commence me sentir mal lĠaise, et je prfrerais largement faire un autre sjour en Grce plutt que de rester ici une minute de plus. Je regarde de nouveaux les gens qui mĠentourent, attentive au moindre dtail, mais je ne trouve rien qui mĠaide. JĠai lĠimpression dĠtre ici depuis des heures, alors que a ne fait que quelques minutes que jĠai Ç dbarqu È.
Soudain, un cri rsonne dans lĠamphithtre. Le temps que je tourne la tte en direction du bruit, de nombreuses personnes se sont leves, et je suis incapable de distinguer quelque chose. Je me mets debout mon tour, et jĠarrive enfin apercevoir ce qui agite tout le monde. Un homme est tendu sur les gradins, un poignard plant dans la poitrine. Un autre, ses vtements couverts de sang, sĠenfuit vers ce que je suppose tre une sortie. Personne ne lĠarrte, tout le monde semble tre sonn. Alors que le meurtrier (je pense, avec raison, quĠon peut lĠappeler ainsi) disparat de mon champ de vision, plusieurs personnes commencent parler en mme temps. a devient vite une cacophonie de bruits. Si ma prof de maths tait l, elle dirait Ç Mais taisez-vous donc ! È. Mais elle nĠest pas l, et je pense que je ne la reverrai peut tre jamais. Cela mĠtonne moi-mme, mais a me rend triste.
Des gens accourent auprs du bless, certains crient. Il faut croire que le bless en question est mort. Je ne comprends rien leurs paroles, mais les Grecs semblent vraiment bouleverss. Ë peine cette pense me traverse t-elle la tte que je la trouve dbile : quelquĠun vient de mourir sous leurs yeux, et je trouve anormal quĠils soient traumatiss. Je pense plutt que le problme vient de moi : ce nĠest pas mon poque, je ne me sens presque pas concerne par ce quĠil se passe ici.
DĠaprs sa position dans lĠamphithtre, ses vtements, et mes cours de civilisation sur la Grce, jĠen conclus que lĠhomme qui vient de se faire assassiner tait quelquĠun dĠassez important. Peut-tre sĠest-il fait tuer pour cette raison ?
JĠen tais ce point dans mes rflexions quĠun autre mouvement agite la foule. Quelques soldats (chargs de la scurit en ville) viennent de pntrer dans lĠamphithtre par le haut de la construction. Ils tiennent lĠhomme que je reconnais comme tant le meurtrier par le bras. Manifestement, poignarder quelquĠun nĠtait dj pas bien vu dans la Grce antique. LĠassassin nĠest pas all trs loin, vu la rapidit avec laquelle il est de retour. Tous les regards sont braqus sur lui. Tandis que le groupe descend vers la scne, jĠobserve lĠhomme, qui ne montre aucun signe dĠagitation. Il nĠest pas trs grand, les cheveux courts. Alors quĠil passe juste ct de moi, jĠaperois sur son cou un collier. Je nĠen avais jamais vu de tel. Il est en forme de caduce, avec deux serpents enrouls lĠun autour de lĠautre. DĠautres personnes semblent lĠavoir remarqu, elles le dsignent du doigt. JĠai lĠimpression quĠils craignent quelque chose. Mais quoi ?
a y est, le meurtrier et son escorte sont arrivs en bas. Dans la foule, un homme se lve, et commence parler. Plus personne ne dit mot. DĠaprs son attitude et dĠaprs les propos quĠil tient, il semblerait que cet individu soit charg de la justice. De temps en temps, la plupart des Grecs hochent la tte, en accord avec ce quĠil dit. Je ne saisis que quelques mots, mais jĠarrive avoir une comprhension globale de ses longues tirades, dĠaprs le contexte. LĠhomme est, dĠaprs ma traduction approximative, un intendant qui rgit la justice dans les provinces avoisinantes, et il interroge lĠassassin sur ses motivations. Ce dernier rpond par phrases courtes, sobrement. Il esquive la plupart des questions, et se contente de raconter des choses sans rapport. Manifestement, personne ne lĠa pouss tuer quelquĠun, et il nĠavait aucune raison de le faire, pourtant, cĠest arriv. CĠest nĠy rien comprendre. Quand lĠintendant lĠinterroge sur son identit, lĠhomme dclare tre n ici, et tre berger. Je nĠaimerais pas tre un de ses moutons.
LĠintendant lĠinterroge ensuite sur le collier quĠil porte au cou. Il a d remarquer, comme moi, la raction des Grecs quand ils ont aperu le caduce, sans comprendre la raison de cette agitation.
Et cĠest alors que le meurtrier prend la parole, pendant une bonne minute. JĠaurai prfr ne rien comprendre, mais pour une fois, jĠai lĠimpression que ses paroles sont totalement claires, comme sĠil parlait dans ma langue maternelle. a ressemble fortement une maldiction, et cela explique lĠattitude de tous les habitants de la ville, et lĠincomprhension de lĠintendant, qui nĠest pas natif de la rgion.
Le criminel annonce que ce collier, unique en son genre, lui a t donn par son pre, qui lĠavait lui-mme hrit de son pre, qui lĠavait lui-mme hrit deÉ Bref, vous connaissez la suite. DĠaprs le meurtrier, ce collier a un pass des plus sanglants : chaque gnration, son possesseur est devenu un assassin.
Je nĠentends plus rien. Mon esprit drive, la recherche dĠune quelconque logique. Tout ceci est insens. DĠabord mon arrive ici, dans lĠamphithtre, mais surtout ce moment prcis de lĠhistoire, c'est--dire il y a quelques millnaires, et ensuite cette histoire incomprhensible.
De nouveau, la fatigue mĠabat.
Tous les bruits autour de moi se sont tus. Le temps dĠun clignement de cils, et la lumire diminue perceptiblement. Les gradins sont dserts. Une grande tranquillit mĠenvahitÉ je suis de retour mon poque ! En effet, lĠamphithtre est de nouveau redevenu ruines, le soleil est rasant, les pancartes indicatives sont rapparues. Poussant un soupir de soulagement, je me lve, les jambes engourdies. Ë ce moment-l, jĠentends mon prnom :
– Elora ! On te cherchait partout !
Je me retourne, et aperois mes parents qui courent vers moi, travers lĠamphithtre. JĠaperois le reste du groupe des marcheurs derrire eux. Un coup dĠÏil ma montre mĠindique quĠil est 18 heures. Arrive ma hauteur, ma mre commence mĠexpliquer que je nĠtais pas au caf dans lequel ils mĠavaient vue. Philippe a interrog le serveur qui leur a indiqu que jĠtais partie il y avait plusieurs dizaines de minutes. Ils taient retourns ici et mĠavaient enfin retrouve.
Le guide croit de bon ton de dire :
– Que dĠmotions !
Mentalement, je lui rponds :
– Et encore ! Si tu savais quel point ma propre motion a t mise mal, pendant cette dernire demi-heure.
Philippe clate de rire, voulant manifestement communiquer sa bonne humeur. Alors que je lui jette un regard dsespr, je remarque un dtail qui ne mĠavait jusquĠalors pas frapp. Sur son cou, il arbore un collier en forme de caduce. Mon visage se glace.
Remarquant mon regard, il me prcise :
– Il est beau, hein ? CĠest mon pre qui me lĠa lgu.
Ma seule rponse se trouve tre :
– Je lĠaurai pari.
Et je mĠenfuis en courant.
Le tableau malfique
Amandine Jacqueau
Je m'appelle Marc FRANCHELIER, j'ai 24 ans et É demain, je serai mort.
J'cris cette lettre pour raconter mon histoire et celle de mes trois amis, car c'est trs important ! Important pour moi, d'une certaine faon, mais surtout pour vous qui lirez ceci.
Cette lettre, c'est mon tmoignage. UN AVERTISSEMENT.
Ne croyez pas que je sois fou. Lisez cette lettre jusqu'au bout et vous dcouvrirez la maldiction qui nous a frapps. En fait, je ne sais pas par quoi commencer, cette aventure est tellement incroyable. Pourtant, j'insiste, il faudra vraiment me croire !
Aujourd'hui, mes amis sont tous morts. Il ne reste plus que moi et demain il m'aura tu aussi. C'est ainsi. Je ne peux pas lutter contre ce monstre. Demain, je serai ailleurs, fig dans une autre dimension, prisonnier jamais dans son univers.
Alors, avant de quitter cette vie, voici notre histoire, mais vite, il faut que ce rcit soit termin avant la nuit !
Nous tions quatre amis venus ensemble ici : ma fiance Manon, mon copain Fred et sa petite amie Mlanie. C'est Mel qui a eu l'ide de venir ici, sur cette le maudite ! Mel a toujours t la premire pour trouver les bons plans. Si nous avions su. Mais d'une certaine faon, nous savions, n'est-ce pas ? Enfin tout cela est tellement compliqu !
Tout a commenc lorsque nous avons dcid de partir tous les quatre pour faire un petit voyage original. a, pour tre original, il l'aura t ce voyage ! Nous avons vot pour une excursion sur le thme des sensations fortes et on s'est creus la tte pour trouver une ide. Fred adore les histoires fantastiques, le surnaturelÉ et nous avons cherch du ct des chteaux hants, des sjours un peu particuliers du type chair de poule.
C'est l que Mel y a pens.
Elle nous a racont l'histoire d'un tableau malfique appartenant depuis une ternit sa famille et dont on ne connaissait ni le peintre, ni l'origine. Les personnes en contact avec ce tableau disparaissaient soi-disant mystrieusement. Ses aeux ne sachant que faire, s'taient dbarrasss du tableau en le laissant dans une vieille demeure abandonne leur appartenant, situe sur un lot dsertique o personne n'est plus jamais all depuis. Elle avait compltement oubli cette histoire. D'ailleurs aucun membre de sa famille depuis de nombreuses gnrations n'est jamais all sur cette le par crainte de la maldiction. Aujourd'hui, plus personne ici, dans le village, ne connat cette curieuse histoire, part sa famille.
Alors pourquoi ne pas voir de quoi il s'agit ? Tout cela n'tait sans doute qu'une histoire fantastique invente de toutes pices pour faire peur aux enfants de la famille qui n'taient pas sages. C'est vrai aussi que nous tions sceptiques. Quelle histoire incroyable ! Comment une peinture pouvait-elle faire disparatre les gens ? Fred tait survolt. Ma fiance Manon et moi assez intrigus. Alors le voyage fut dcid et Mel a pris soin de tout organiser sans rien dire ses parents.
C'est le vieux Franck qui est venu nous dposer ce samedi matin sur l'le. Il possde un bateau et pour quelques billets, il tait d'accord pour nous emmener et pour revenir nous chercher une semaine plus tard. Nous tions heureux comme tout. Tous trs excits. Nous avons couru jusqu' la maison. La cl tait sous le pot de fleurs. On est entr. Une fois les volets ouverts, tout tait trs lumineux. Le soleil rentrait flot par les grandes fentres. Il y avait beaucoup de poussire et de toiles d'araignes mais la maison tait en bon tat. Nous avons dcid d'arer les pices et de faire un peu de mnage. Tout semblait normal alors. Nous nous sommes rpartis les tches pour prparer la maison nous accueillir pour un sjour d'une semaine.
Tout tait calme et paisible. Rien de bien terrible ne semblait nous menacer.
La demeure comprenait de nombreuses pices avec des tableaux. Que des toiles banales : personnages, paysages et natures mortesÉ Lequel pouvait bien tre l'origine de la maldiction ? Aucune peinture ne reprsentait de scnes terrifiantes ou anormales.
Lors de mes alles et venues j'avais constat qu'il n'y avait aucun tlphone dans cette maison, mais cela tait assez logique dans la mesure o personne n'y venait jamais. De toute faon, nous avions tous nos portables alorsÉ Fred s'tait charg des provisions de bougies, lampes ptrole et lampes lectriques car ici, pas d'lectricit non plus. C'tait camping sur toute la ligne ! De mon ct, j'tais reparti poursuivre ma visite des lieux car j'avais dcid d'essayer d'entrer dans la pice qui tait ferme cl et que nous n'avions pas pu ouvrir jusque-l. J'avais fouill partout et fini par trouver une vieille cl rouille qui avait ouvert la porte. C'tait une sorte de grand salon avec une petite table basse, plusieurs fauteuils et une immense bibliothque. J'tais heureux de ma trouvaille, moi qui adore lire.
Il y avait ici aussi plusieurs tableaux dont un qui occupait pratiquement tout un pan de mur. Lorsque je l'ai regard, celui-l ne m'a pas sembl comme les autres, sans que je puisse expliquer pourquoi. C'tait un paysage avec de nombreux personnages. Je n'aurais su le dire alors, mais quelque chose tait bizarre et j'ai ressenti comme une gne en le regardant. J'ai prfr quitter la pice pour finir de ranger mes affaires dans ma chambre. Puis j'ai oubli tout cela.
Avec Fred, nous avons fait un petit tour dans l'le. C'tait trs beau mais assez sauvage et dsertique. Le dpaysement assur contre le stress citadin. Quelle joie ! Puis le jour a dclin et nous sommes rentrs. La soire s'est passe tranquillement, nous avons bien rigol. La journe se terminait et toutes ces activits nous avaient bien fatigus. Nous avons dcid d'aller nous coucher.
C'est le soleil qui m'a rveill. Je n'avais mme pas ferm les volets tant j'tais press d'aller me coucher. Je suis descendu sans bruit la cuisine pour prendre mon petit djeuner. Manon dormait encore poings ferms. Quelques minutes aprs, Mel m'a rejoint. Elle m'a demand si je n'avais pas vu Fred car il n'tait pas dans la chambre lorsqu'elle s'tait rveille. Je lui ai dit que je n'avais rencontr personne et que Manon dormait encore. Nous avons suppos que Fred tait parti faire un jogging. Fred est beaucoup plus sportif que moi! Puis, Manon est arrive et le temps est pass sans plus de nouvelles de Fred.
Nous avons commenc nous inquiter. N'aurait-il pas fait une chute en chemin ? Aprs tout, il ne connaissait pas l'le et c'est trs escarp. Nous avons cri et appel en vain. Chacun a cherch de son ct sans succs. Il a bien fallu admettre que Fred avait disparu. Quelle angoisse ! Mel devenait hystrique.
Mais enfin, comment peut-on disparatre comme a, se volatiliser ? C'est impossible.
Puis nous avons pens la maldiction. Serait-il possible que l'un des tableaux ait vraiment fait disparatre notre ami ?
Manon s'occupait de Mel pour tenter de la consoler. Pendant ce temps-l, je faisais le tour de la maison en regardant les tableaux, m'interrogeant sur le sort de mon ami. Au fil de mes alles et venues, je me suis retrouv dans le grand salon. Rien ne semblait avoir chang : la belle bibliothque tait toujours l. J'aurais eu plaisir y dcouvrir ses livres mais je ne me sentais pas bien dans cette pice. Je ressentais comme un malaise. Une curieuse sensation d'touffement.
Le tableau tait l. J'tais la fois attir et mfiant. Je m'tais rapproch pour l'examiner et quelque chose semblait diffrent. Un peu comme si les personnages avaient boug ou chang de place. C'tait sans doute un tour que me jouait mon imagination. Mais qu'tais-je en train de faire, le nez coll la toile pour examiner les personnages et les dtails de la peinture ? Je suis pourtant d'une nature cartsienne. Je devais absolument reprendre le contrle de mon esprit. Me raisonner.
C'est l que je l'ai reconnu.
Fred ! J'tais sr qu'il s'agissait de lui. Il tait l dans la toile ! Je devenais fou.
La pice semblait tourner autour de moi. Je ne sais comment je me suis retrouv assis dans l'un des fauteuils face au tableau. Mes yeux ne pouvaient plus quitter mon camarade. Je ne pourrais jamais dire cela aux filles. Non, certainement pas Mel ! Fred mon ami, tu sembles si triste assis sur ce banc dans le parc. D'ailleurs, tous les personnages de ce tableau sont tristes, mme les animaux.
Nous avons tous essay d'appeler de nos portables, mais c'tait inutile, nous n'avions pas de rseau. Quelle ironie ! Nous voil prisonniers d'une le, d'une maison.
La soire est arrive. Nous tions abattus. Je n'avais rien dit de ma dcouverte. D'ailleurs comment raconter cela ? Comment dire Mel que son petit ami tait scotch sur un tableau comme un vulgaire post-it ? Ce soir-l, la joie n'tait plus au rendez-vous comme la veille. Nous n'avions pas assez faim pour nous mettre table. Nous avons dcid d'aller nous coucher directement. Les filles ont voulu rester ensemble car Mel tait trop mal. Cette nuit-l, j'ai trs mal dormi. Guettant tous les bruits et le moindre craquement. M'attendant voir surgir le tableau venu pour m'absorber. Puis la fatigue l'a emport sur la peur.
Malheureusement, le troisime jour sur cette le maudite allait nous enfoncer encore un peu plus dans l'horreur et dans l'absurde. Manon est arrive comme une furie dans la chambre en criant que Mel avait disparu son tour. Manon appelait, hurlait dans la maison, puis partout sur l'le. J'tais dsespr, vide, inerte. Comme un zombie, je suis all dans le grand salon. Je savais dj ce que je cherchais. Je savais dj ce que j'allais dcouvrir. O ?
Puis j'ai trouv Mel. Cela n'a pas t trs long pour la trouver. Ma pauvre Mel, si gaie et ici, si triste. Par quel sortilge tait-elle rentre dans le tableau ? Si loin de Fred seul sur son banc. Spars tous les deux jamais. J'ai eu comme un tourdissement devant le tableau. Il fallait bien que j'en parle Manon. Impossible de garder plus longtemps ce secret. Ë deux nous serions plus forts pour nous dfendre contre ce monstre. J'ai tout dit Manon. Au dbut, j'ai bien vu qu'elle me prenait pour un fou. Alors, je l'ai emmene devant la toile et lui ai montr nos deux amis. Elle a bien t oblige de me croire. Ce qu'elle avait sous les yeux tait une vidence. Elle tait terrifie.
Nous avons encore essay d'utiliser nos portables pour appeler au secours. En vain. Pas de rseau sur cette le maudite! Aucun moyen d'appeler l'aide. Et le vieux Franck ne devait revenir nous chercher que samedi prochain. Maldiction ! Nous n'tions que lundi. Comment pouvions-nous survivre jusque-l ?
C'est ce moment-l que j'ai eu lĠimpulsion de dtruire le tableau. J'ai dcroch le tableau et je l'ai fracass sur la table basse. Il tait l dchir. Mes pauvres amis, nous ne pouvions plus rien pour vous. Vous auriez certainement compris et fait pareil pour sauver vos vies. J'esprais simplement ne pas vous avoir fait de mal. Je suis all voir Manon pour lui dire ce que j'avais fait. Elle tait si ple. Ses yeux taient rouges d'avoir trop pleur. Elle m'a saut au cou pensant qu'enfin nous tions sauvs.
J'ai voulu lui montrer le tableau dtruit. Nous sommes monts dans le salon et Manon s'est vanouie. Comment tait-ce possible ? Le tableau qui tait en miettes dix minutes avant, tait intact sur le mur. Bien sa place.
Manon a repris ses esprits. Elle est sortie de la pice comme un automate. Puis brutalement, elle est revenue en hurlant, a attrap le tableau et est partie avec en courant. Manon que faisais-tu ? J'ai couru aprs elle. Je l'ai trouve au bord de la falaise. Elle a lanc le tableau dans le vide. Il a plan un peu, puis s'est enfonc dans l'eau. L'histoire aurait pu s'arrter l. Nous aurions t bien malheureux d'avoir perdu nos deux amis, mais nous aurions survcu avec le souvenir de ces deux tres exceptionnels dans nos esprits et dans nos cÏurs. Mais le destin est parfois stupide, souvent factieux et toujours tortueux. Lorsque nous sommes rentrs dans la maison, sans mme nous parler, ni nous consulter, nous sommes monts au grand salon. Manon voulait savourer sa victoire. Moi, j'avais dj un pressentiment et lorsque nous sommes entrs dans la pice, je n'ai mme pas t surpris de voir le tableau trner sur le mur sa place habituelle. Manon tait dsespre. Nous nous sommes assis dans les fauteuils, prostrs, accabls.
Alors nous avons dcid de le brler. Tentative ultime dans notre fureur pour nous dbarrasser de cette horreur. Malheureusement, notre action choua encore. Le tableau avait dcid de renatre de ses cendres. Ce phnix monstrueux tait toujours en place sur le mur. Nous venions de comprendre que cette chose, ce tableau cannibale tait le plus fort. Cet avaleur d'tres humains tait indestructible. Comment lutter?
La journe avanait et il fallait bien se rendre l'vidence que l'un de nous allait mourir aussi cette nuit. L'un de nous allait disparatre, allait passer de l'autre ct. Dans ce tableau malfique. Comment imaginer cela ? Nous avions encore tant de choses faire ensemble. Tant nous dire. Nous aurions pu nous marier, avoir des enfants, tre heureux et vieillir ensemble. Nous ne pouvions prvenir personne de notre malheur. Toujours aucun rseau. Toujours aucune aide attendre de qui que ce soit. Seuls, abandonns, livrs notre terrible destin. Comment aurait-on pu savoir o nous tions ? Le secret avait t bien gard pour que le voyage puisse se raliser.
Puis nous avons eu l'ide de coucher dehors, puisque le tableau n'agissait que dans la nuit. Et si le tableau n'avalait que ceux qui sont dans la maison avec lui ? Nous devions tenter cela pour survivre. Nous avons dn un peu, dans la tristesse. Puis nous avons pris tout ce qu'il fallait pour dormir la belle toile afin de conjurer le sort. Dans les bras l'un de l'autre, nous n'tions pas rassurs. En d'autres temps, en d'autres lieux, nous aurions apprci ce ciel toil. Mais l, cet instant, le cÏur n'y tait plus. Mon Dieu, faites que nous vivions et que demain nous soyons deux !
Le quatrime jour, je me suis rveill tout engourdi et j'ai aussitt hurl ma douleur. Manon n'tait plus l ! Le monstre dvoreur m'avait pris Manon. Il m'avait vol mon amour. J'avais l'impression de vivre un cauchemar. Comment une monstruosit pareille pouvait exister ? Qui avait pu peindre un malfice tel que celui-l et pourquoi ? J'ai couru jusqu'au tableau pour voir Manon. O tais-tu mon ange ? O tĠavait-il incruste ? Oh, je t'ai vue l, si ple et si triste comme hier. Tu tais la fentre ouverte de l'une des maisons. Accoude sur le rebord de la fentre, le menton appuy dans les paumes de tes mains, tu semblais attendre quelque chose, quelqu'un d'un air dsespr. Etait-ce moi que tu attendais, Manon ? Et quand mon tour viendra, o vas-tu me figer, monstre de peinture ? Je sais que tu es assez mauvais pour me piger loin de Manon lorsque tu m'auras emprisonn dans ta gouache. Comme ce pauvre Fred assis sur son banc, loin de Mel agenouille dans l'herbe prs d'un tang.
Mais tout cela ne servait rien. Ë quoi bon continuer te parler, c'tait inutile. Et me voil devenu fou en train de discuter avec un tableau. Je me suis assis dans le fauteuil, seul face ce qui allait tre mon tombeau. C'tait de la folie ! J'avais du mal imaginer qu'il ne me restait qu' peine une journe vivre. Que demain je serais mort. Pour qui, pourquoi ? J'allais mourir sans savoir, seul, sur une le dserte au milieu de l'ocan, sans avoir pu dire mme adieu ma famille. Ma disparition serait un mystre pour les miens comme pour ceux de mes compagnons. Le destin est curieux tout de mme. Sauriez-vous quoi faire si l'on vous disait qu'il ne vous reste que quelques heures vivre ? On a mille choses qui viennent en tte. On ne veut pas gcher le peu de temps qui reste. Comment choisir ce qu'il faut faire ? Cela dpasse la pense. On tourne en rond, on regarde la pendule. On regarde sa montre, les minutes passent et vous rapprochent un peu plus de la fin.
Inexorablement la mort approche.
Et puis, il y a le sursaut de l'injustice. La raison reprend le dessus. J'avais perdu et tu avais gagn. Je ne pouvais pas faire autrement que d'accepter ma dfaite et ta victoire mais perdu pour perdu, je n'allais pas partir sans ragir. D'accord, j'allais mourir, c'tait maintenant une vidence, mais il fallait que je fasse quelque chose contre toi. C'est l que j'ai eu l'ide d'crire un message pour qu'un jour, celui qui me lirait ne meurt pas son tour. J'ai dcid d'crire une lettre, un avertissement, pour laisser aussi une trace de moi. Pour ne pas mourir tout fait pour rien. Pour Fred, pour Mel et pour Manon. Si seulement cela pouvait servir faire que ce tableau maudit ne fasse plus de victime. Vous aurez donc bien compris que cette peinture qui se trouve dans le salon est malfique et qu'elle agit la nuit. Alors prenez garde, vous qui lisez ceci ! Fuyez cette le avant la nuit, s'il est encore temps !
Voil, ma lettre s'achve. La journe se termine. La nuit arrive. J'ai russi terminer mon rcit. Je n'ai plus de mots. Je ne sais plus quoi dire de plus. Ë quoi bon d'ailleurs, tout est fini. Bientt, je vais disparatre jamais. Mon tour est venu. Ne croyez pas que je sois courageux. Non, ce n'est pas du courage. Je ne peux mme pas me battre. Je suis juste rsign.
ADIEU tranger, il faut surtout bien remettre cette lettre o tu l'as trouve pour qu'elle serve encore et maintenant, FUIS !
Marc FRANCHELIER, le 6 mai 2008
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La semaine de vacances est termine. Le vieux Franck est fidle au rendez-vous. Il s'est amarr dans la crique mais personne n'est l. On avait pourtant dit 16 heures ! Le vieil homme attend un peu et tue le temps en fumant sa pipe. Dcidment, pense-t-il, cette jeunesse insouciante n'est mme pas capable de respecter les horaires ! Moi de mon temps É
Le vieux Franck a dcid d'aller chercher les jeunes impolis, il est dj 17 heures. Ils vont l'entendre ! Il entre dans la maison et appelle, en vain. Personne. Il pense que ces gamins ont voulu certainement faire une dernire promenade sur l'le et n'ont pas vu l'heure passer. Aprs tout, autant rester un peu au frais dans cette maison accueillante, dehors il fait chaud et Franck a soif.
Et s'il faisait une petite visite des lieux en attendant. Aprs tout qui pourrait lui en vouloir ? Il ne fait rien de mal. C'est une belle maison avec beaucoup de pices. Le grand salon est agrable et les fauteuils sont confortables. Le vieux Franck s'installe devant un grand tableau. Belle peinture ! Mais un peu curieuse quand mme cette toile. Au premier plan, il observe un jeune homme qui semble vraiment terrifi. Ses yeux immenses et sa bouche grand ouverte lui donnent un air affol. Il semble vouloir hurler quelque chose. Franck se demande ce que le peintre a bien voulu reprsenter. C'est curieux, d'ailleurs, ce garon lui rappelle quelqu'un, mais il ne saurait dire qui. Ah la mmoire !
Le vieux Franck s'est assoupi. Ë son ge cela lui arrive souvent lorsqu'il est confortablement assis. En s'veillant, il voit qu'il fait dj trop sombre dehors pour reprendre le bateau. Mais o sont donc passs ces jeunes tourdis ? Il serait plus prudent d'attendre demain pour repartir, tant pis pour eux. C'est dcid, demain matin la premire heure, il rentrera. Le vieux Franck est toujours install devant cette peinture. Ce garon l'intrigue. Que veut-il dire ? On dirait qu'il vous appelle. Un peu comme s'il voulait dire quelque chose, mais quelque chose de grave. Franck se demande bien ce que ce garon aurait pu lui dire s'il avait pu lui parler. D'ailleurs, en le dtaillant bien, Franck remarque que le jeune homme brandit une lettre dans sa main, comme si sa vie en dpendait. Franck s'approche, mais il n'arrive pas lire ce qui est crit.
Le vieil homme se gratte la tte et songe que tout cela est bien trop compliqu pour lui. D'ailleurs, il n'a pas envie de dcouvrir le message de cette peinture si triste et si banale. L'art il n'y connat rien et les peintres sont si bizarres. Non, Franck a bien mieux faire. Il a sommeil et un petit somme lui fera le plus grand bien.
Dans sa sagesse, le vieil homme sĠest toujours dit : Ç Prenez le temps de vivre, demain sera un autre jour È.
Vivir
Anas Laville
Ç Seul l'amour peut garder quelqu'un vivant. È
Oscar Wilde
Lundi 4 avril 2005
Le soleil n'tait pas attendu dans cette clairire obscure sauf par deux humains vivant parmi les morts.
Alors que l'aurore se dcouvrait au-del de ces sculptures de bois, les traits d'une de ces Ïuvres naturelles se fit apercevoir. Gigantesques, les jambes de cet tre vivant s'parpillaient autour de lui pour s'enfoncer dans les labyrinthes de la vie souterraine. Son corps de cristal blouissait chaque tre passant par l. Ses bras permettaient aux oiseaux, tres de lumire, de jouir d'une vue saisissante sur leur habitat.
Tel un triangle dont le sommet serait cette boule de feu, deux tres guids par la lumire manant de cette sculpture de bois unique, deux mes enfermes dans leur corps s'avanaient lĠun vers lĠautre. L'un scrutait ce qu'il ne pouvait pas voir, tandis que l'autre fouillait les maladies du sol. En dsaccord avec les lments naturels qui les entouraient, mais dans un mme tat d'esprit, les traits tendus, les veines du cou marques, les yeux brlants, les mains tremblantes, les jambes flageolantes. Tout en eux marquait la peur. Pour ne pas veiller les habitants de cet ensemble de verdure, ou ceux qu'ils ne voulaient pas voir, ils s'approchrent de cette magnifique sculpture, dans le silence, sans un bruit, sans un souffle et s'y collrent, enfin heureux de sĠtre retrouvs. Les longs cheveux chtains de la jeune fille cachaient une partie de son visage marqu par la douleur de sa vie, et sa robe violette bretelles exprimait la lgret de son me. Elle n'avait plus peur. Elle tait libre. Lui, souriant comme chaque fois qu'il se trouvait ici ct d'elle, portait un t-shirt pais comme pour cacher les blessures de son cÏur.
Ils restrent silencieux et savouraient ce moment si rare o personne ne pouvait les dranger. Ils se prirent doucement la main et leurs bras s'enroulrent autour de leur corps. Tte contre tte, paule contre paule, ils respiraient calmement, heureux d'tre l ensemble. Un rayon de soleil traversa l'tendue bleue, les sculptures de bois furent violemment spares par cette douce flamme qui se rpercuta autour de ces tres, de ces mes pures, formant un cercle qui les protgeait de ce monde maudit. Aprs cette euphorie dĠamour, les douloureux sujets de la vie quotidienne surgirent nouveau. Horacio, voyant le triste visage de l'lue de son cÏur, murmura :
─ Ta famille ?
Le visage de la jeune fille se crispa, les battements de son cÏur s'acclrrent, des larmes roulrent sur ses joues, puis clatrent, tel une bombe, sur le sol. Elle ne pouvait prononcer un mot. Il cherchait quelque chose lui dire, pour l'apaiser, Ç Nous trouverons bien une solution È, mais n'tait-il pas dans la mme situation qu'elle ?
─ J'ai l'impression d'tre un objet fl, mal conu, vou la destruction, jusqu'au moment o il n'aura plus aucune utilit, et oÉ
─ Ne le dis pas ! sĠcria t-il. Tu es ce que j'ai de plus important au monde, que je chrirai toujours. Tu es l'hirondelle et la rose. Le moineau et la marguerite. Mon bonheur et ma joie. Je ne supporte plus qu'ils te laissent comme a, quĠils te donnent cette vision de toi.
Elle lui prit les mains en le regardant avec tendresse, elle aurait voulu lĠembrasser, lui dire tant de belles choses, qui ne sortaient pas de sa bouche cause de la famille...
─ Je finirai la casse acheva t-elle dans un sanglot.
Les deux adolescents se turent nouveau, analysant le monde cruel o ils taient ns : quĠtait-elle pour sa famille?
─ Pourquoi, pourquoi dis-tu a ? Ils ne peuvent pas t'..., gmit-il dsempar.
Elle s'tait arrt de pleurer et le regardait tristement.
─ M'abandonner ? Quand un bouquet de fleurs est fan, ne le jettes-tu pas ? Et bien l, c'est pareil. Je n'tais qu'une nouveaut, un truc, un machin, un bidule nouveau qui suscitait la curiosit. Mais aprs quelques jours, ils se lassrent de moi. Ils ne m'ont jamais aime, et me le font comprendre tous les jours !
Il l'entoura de ses bras et ils restrent enlacs sans un mot, imaginant un instant que ses bras taient des barrires de scurit les protgeant du lieu o ils taient contraints de vivre malgr eux.
Leur rencontre, elle avait eu lieu un matin plus joyeux que celui-ci ; le ciel tait orang, les oiseaux chantaient. Ils allaient en cours et devaient passer par ce chemin, par cette fort, par cet arbre pour sĠy rendre. Chacun dans un sens.
Elle arrivait presse, des livres et des feuilles dans les bras, se prit les pieds dans une racine. Elle tomba. Horacio apparut en courant, lĠaida sĠasseoir contre lĠarbre, puis ramassa ses affaires. Il se tourna vers elle pour les lui tendre et capta son regard. Ce fut le coup de foudre. Sans un mot. Puis Horacio pansa sa blessure, lĠaida se relever, ils se sourirent tendrement, et elle partit. Ce fut le dbut dĠune longue histoire dĠamour qui dure depuis un an et demi aujourdĠhui, des attentes, des rendez-vous secrets mais un amour vrai, sensible et sincre.
La montre d'Horacio sonna, les rappelant cette vie qu'ils nĠacceptaient que pour se voir. Ils abandonnrent leurs mains et se quittrent des yeux, se retournrent sans un mot, et partirent chacun dans un sens oppos, car personne ne devait savoir, sinon ils n'auraient plus aucune raison de vivre.
Mardi 5 avril 2005
Les arbres taient l, les mmes. Le soleil tait lev depuis quelque temps dj mais le ciel restait gris, noir, sombre. Les nuages cachaient cette fort, cet ensemble de verdure, champignons et autres poisons naturels en tout genre. LĠarbre, point de rendez-vous des deux adolescents tait toujours l. Horacio tait l aussi, ct de cet arbre qui ne resplendissait pas contrairement hier. Non, il tait plutt terne, sans vie. Elle tait en retard. Adela avait une demi-heure de retard ! Le regard inquiet, les doigts manipulant des parties de sa lvre, Horacio tait tourment. En effet, Adela, nĠavait jamais t en retard depuis leur rencontre.
Soudain il entendit quelquĠun pleurer. CĠtait elle. Assise, pleurant, criant de dsespoir, dĠincomprhension. Il lĠentoura de ses bras, elle voulut sĠen aller. Il mit sa tte dans son cou, elle cria encore plus fort. Il lĠembrassa, elle essaya de le gifler. Il lui dit Ç CĠest moi È, elle pleura et cacha son visage. Il lui saisit la main, et lĠenveloppa dĠune charpe, pour lui apporter son secours. Il se mit face elle, il resta saisi. Ptrifi dĠhorreur. Sa chre et tendre avait une lvre fendue, le visage en sang. Il ne dit rien et lĠentoura de ses bras protecteurs.
─ Ils savent tout, murmura t-elle dĠeffroi. Ils veulent mĠenvoyer loin, dans un couvent peut-tre, ajouta t-elle en pleurant. Ils mĠont dit que si on se revoyait, ce sera comme a tout les soirs jusquĠ ce que je comprenne.
Il sentit la colre monter en lui, la vitesse de la lave dĠun volcan qui se dverse sur les villes alentour. Soudain, elle vit un rayon de lumire qui lui tendait la main. Un rayon de soleil, qui passait travers les sculptures de bois, et les oiseaux se mirent chanter, elle les entendit pour la premire fois.
Elle savait quĠil nĠy avait pas dĠautre solution pour tre heureux.
─ Et siÉ et siÉ Et si on partait ? proposa-t-elle doucement.
─ Partir ? Ensemble ? Quitter nos familles pour toujours? Dans un autre pays ?
─ Oui, partir loin dĠici. Quitter nos familles. Partir ensemble. Vivre, enfin.
─ Rendez-vous ici, 23 heures, ce soir. Si tu as un problme, jĠattendrais le temps quĠil faudra pour te voir, et tre avec toi.
Ils se quittrent comme le jour prcdent : sans un mot, par des chemins opposs.
Mardi 4 avril 2006
La fort parat bien vide sans eux. En effet, personne ne se promne lĠaube. Aucun amoureux des temps modernes nĠont pris leur place.
Ç Vivre est un bonheur que certains aiment interdire. È
Le rocher
Ella Brabra
Lundi 2 septembre
Le soleil se lve peine que Dina est dj sur pied. Aujourd'hui c'est la rentre des classes pour les enfants, premier jour de travail pour elle, et surtout cela fait exactement deux mois que son mari les a quitts.
7h30 : tout le monde est table pour prendre le petit djeuner ensemble, d'ailleurs c'est la seule et unique fois o ils se runissent autour d'une mme et unique table depuis le drame. Le silence rgne, seul le tintement des couverts se fait entendre. Dina n'ose pas prendre la parole craignant la raction de ses enfants. Depuis le dpart de leur pre, ils sont trs vulnrables. Pour bien commencer la journe elle se tait et rflchit la longue journe qui l'attend. Le petit djeuner sĠachve dans un silence absolu. Dina monte au premier tage aprs avoir dbarrass la table et nettoy de fond en comble toute la maison, ce soir elle n'aura srement pas le temps. Elle rencontre sa fille dans les escaliers et s'empresse de lui dposer un petit baiser avant que celle-ci ne rechigne. Son fils, lui, est dj parti sans avoir pris la peine de lui dire au revoir, ou de lui souhaiter bonne chance pour son premier jour de travail. Depuis le dpart de son pre, il s'est enferm dans un mutisme total. Ses seuls compagnons sont son ordinateur ainsi que son lecteur mp3. Dina se dit qu'aprs quelques mois, il serait forc de revenir vers elle. Mais plus les jours passent, plus ses espoirs s'amenuisent. Plus le temps de penser tout a, elle doit se prparer pour son premier jour de travail. Elle rcupre l'entreprise de son mari o elle tait simple secrtaire quand il tait encore parmi eux. Maintenant elle se retrouve la tte d'une entreprise, et ne sait absolument pas la grer. Mais dans son testament, Joey a insist pour que sa femme prenne sa place en tant que Directrice Gnrale.
Elle doit reprendre cette entreprise cote que cote. Elle finit de se prparer, et descend dans le garage afin de prendre la voitureÉ Celle de son mari. Elle sent encore son odeur, ce parfum quĠelle aime tant. Elle se rappelle aussi ces jours o il disparaissait ; il prenait sa voiture et ne revenait que le lendemain. Elle nĠa jamais su o il allait, il nĠa jamais voulu le lui dire. Elle est convaincue quĠil nĠtait pas avec une autre, cela lui suffisait pour garder le silence. Maintenant quĠil nĠest plus l, elle a un besoin considrable de savoir o il sĠchappait lorsquĠil tait maussade.
Elle dmarre la voiture, il nĠest plus possible de faire retour arrire. Elle doit absolument reprendre sa vie en main et sauver ses enfants qui ne sont pas des anges, mais cela est tout fait comprhensible, ils ont perdu leur pre et sont en pleine crise dĠadolescence. Tout repose sur ses paules prsent. Elle sĠarrte au feu rouge en freinant violemment, ses penses lĠont emport et elle en a oubli quĠelle conduisait. Juste au moment o elle reprend sa route, elle dcouvre une petite feuille tombe du porte-document, et qui se retrouve maintenant sur ses genoux. Derrire elle, les conducteurs klaxonnent, elle nĠa pas le temps de la lire. Elle la remet donc dans le porte-document, et poursuit son chemin, pensant que cĠest une feuille sans relle importanceÉ
Arrive enfin lĠentreprise, tous les employs la regardent dĠun air dsol. Tous viennent lĠaccueillir, car depuis la mort de son mari, elle ne les a pas revus. Elle serre la main quelques-uns, fait la bise dĠautres et sĠclipse dans son bureau. Il est rest intact. Elle doit prsent prendre ses affaires et quitter ce bureau qui ne lui appartient plus.
Une fois installe dans le bureau de son dfunt mari, une larme se forme dans le coin de son Ïil. Elle sĠest pourtant jur de ne pas en verser ; elle lĠefface du revers de sa manche. Puis elle dpose une annonce afin de trouver une nouvelle secrtaire, car elle en a bien besoin. Pourtant son frre Jimmy lui a propos son aide, mais elle sait que ce nĠest pas une proposition sincre : il veut rcuprer lĠentreprise et la mettre son nom. La relation quĠelle a avec sa famille est quelque peu confuse depuis la mort de Joey, mais Dina prfre ne pas y penser, elle a dj assez de problmes comme a. Elle refuse gentiment, prtendant que son mari tenait absolument ce que ce soit elle qui en prenne les commandes.
Dj 12h. Elle nĠa pas vu le temps passer ; absorbe par ses recherches, elle a oubli de rcuprer Lilly lĠcole. Elle est sre que celle-ci nĠoublierait pas de le lui faire remarquer. Elle sĠempresse dĠenfiler son manteau et de se prcipiter vers lĠcole. Elle veut absolument tre une bonne mre pour ses enfants car ils ont dj perdu leur pre. Arrive lĠcole, Lilly ne sĠy trouve pas. Panique, elle lĠappelle. Elle ne dcroche pas. Dina est furieuse, elle lui a pourtant dit de ne jamais quitter le collge tant quĠelle nĠtait pas arrive. Elle dcide donc de revenir lĠentreprise en tant sre que Lilly djeunait quelque part dans le coin avec ses amis.
18h15 : Dina rentre tout puise de son travail. Son fils Robbie nĠest toujours pas rentr. Lilly est dans sa chambre et sĠadonne ses Ç devoirs È, pour lĠinstant Dina ne veut pas voquer le problme de ce midi. La journe a t rude et elle nĠa aucune envie ni dĠappeler son fils pour savoir o il est ─ ce qui dclenchera chez lui une crise de colre ─, ni de demander sa fille o elle se trouvait ce midi. Elle fait couler un bain, commande des pizzas, elle est trop fatigue pour faire le dner, et Lilly ne sait pas faire une omelette. Une fois sortie de son bain, on sonne la porte, ce sont les pizzas. La soire est trs courte car le sommeil lĠemporte rapidement.
Mardi 3 septembre
Deuxime journe de travail pour Dina.
Le rveil est difficile. La nuit, elle sĠest rveille plusieurs fois pour chercher la main de son mari, qui nĠest plus l. Elle nĠarrive toujours pas se faire son absence. Ce qui lui semble bizarre, cĠest cette odeur de pancakes qui flotte dans lĠair. En descendant les escaliers, elle dcouvre Ellen. Sa sÏur est l, chez elle, sans lĠavoir prvenue. Elle lui fait la bise et sĠen va afin de prendre sa douche.
Lilly, et Robbie qui est arriv tard le soir, sont repartis ce matin une fois de plus sans prendre la peine de lui dire au revoir ; elle nĠa pas eu le temps de sĠexpliquer avec Lilly mais elle nĠy manquerait pas ce soir. Elle doit donc partager son petit djeuner avec Ellen, mais lĠenvie nĠest pas prsente. Elles sĠassoient donc sur la terrasse, le temps est doux et il y a une petite brise dĠair frais. Ellen ne dit pas un mot, elle voit bien sur son visage que quelque chose ne va pas. Quant Dina, elle observe le ciel et les oiseaux, aucune envie de parler de son mari ni de ses problmes sa sÏur. Ellen lui demande si elle peut rester quelques jours avec eux afin de lĠaider pour les enfants et les tches mnagres. Dina refuse gentiment mme si elle a considrablement besoin dĠun coup de main, mais srement pas celui de sa sÏur. Elle se lve de table, regagne sa chambre aprs avoir dit au revoir sa sÏur, apparemment contrarie de son refus, et se prpare pour aller au travail. Elle nĠest pas de bonne humeur aprs cette visite surprise de sa sÏur qui lĠa compltement chamboule. La raison de sa venue est quelque peu floue. Ce nĠest que le deuxime jour mais elle sent dj quĠune routine sĠinstalle, ce dont elle a horreur. Elle se met en route vers lĠentreprise. Une fois la porte de la voiture ouverte, elle retrouve le petit papier quĠelle a vu hier. La curiosit lĠemporte, elle sĠassoit et ouvre la petite enveloppe cachete :
Chre Dina,
Je suis content que tu aies trouv cette enveloppe. Si tu es tombe dessus cĠest que tu es dans ma voiture et jĠespre que tu as accept de reprendre mon entreprise car a me tenait vraiment cÏur. Cependant jĠai quelques aveux te faire. Mais les mettre sur ce papier sur lequel tout le monde peut tomber serait trs risqu. Je te demande de te rendre au rocher prs de la mer bleue. Je mĠy rendais quand le travail me stressait ou tout simplement quand jĠavais besoin dĠvasion. Je pense que maintenant que je ne fais plus partie de ce monde, ce coin de paradis te revient et tu en auras srement besoin vu tout le travail que je tĠai laiss. Je suis dsol dĠtre parti si vite mais je nĠai pas prvu cet accident. De l o je suis tu me manques beaucoup, vous me manquez beaucoup. Je tĠembrasse fort, et embrasse les enfants pour moi.
Ton mari, Joey
Cette lettre lĠa anantie. Elle la relit encore et encore. Il faut absolument quĠelle se rende au rocher au plus vite. Oui elle a besoin dĠvasion car les enfants et le travail, cĠest trop pour elle. Des larmes coulent sur ses joues roses. Elle nĠa pourtant pas le temps de sĠattarder sur cette lettre, le travail lĠattend.
Mercredi 4 septembre
Premire chose laquelle elle pense en se levant cĠest cette lettre, elle y pense depuis quĠelle lĠa lue, impossible de se concentrer sur quoi que ce soit. Elle lĠa lue tellement de fois quĠelle lĠa apprise par cÏur. Doit-elle en parler Lilly ? ou encore Robbie ? Peut tre que le fait de lire un mot de son pre lĠapaiserait et quĠil reviendrait vers elle. Cependant elle prfre la garder pour elle pour lĠinstant.
Jeudi 7 octobre
Une fois de plus elle rentre chez elle puise. Les journes passent et se ressemblent toutes. Dina est puise, le travail se fait de plus en plus lourd mais elle refuse catgoriquement l'ide de baisser les bras. Elle fait tout a pour Joey, et la lettre quĠil lui a adresse lui revient en tte chaque fois quĠelle veut baisser les bras. Un foss s'est creus entre elle et ses enfants. Elle voit Robbie son fils qui rentre de temps en temps pour prendre une douche et quelques affaires et repartir chez son ami chez qui dsormais il habite depuis deux semaines. Quant Lilly, elle ne la voit pas beaucoup. Elle l'a inscrite la cantine pour tre sre quĠelle ne tranera pas dehors lĠheure du midi. Mais elle lui a promis que pendant les vacances elles passeraient plus de temps ensemble et qu'elles iraient voir tante Zo qu'elle aime tant. Mais au fond Dina sait qu'elle n'aura pas de temps lui accorder, seulement elle veut se convaincre qu'elle sĠen sort trs bien.
Lundi 11 octobre
Jour dcisif pour Dina. Elle a un contrat avec un client prestigieux avec qui elle va peut-tre collaborer, ce qui la sortirait du dficit budgtaire o elle se trouve. Elle se met sur son trente et un, comme les soirs o Joey l'invitait dner. Lilly accepte qu'elle l'emmne l'cole, Dina est ravie de pouvoir passer ne serait-ce qu'un quart d'heure avec sa fille mme si elle sait que celle-ci ne parlera pas. Le trajet ne se passe pas comme prvu. Dina questionne sa fille sur ses nombreuses sorties nocturnes sans sa permission. Lilly fait mine de rien, ne prenant mme pas la peine de rpondre. Dina sĠimpatiente et sent la colre monter en elle. Elle nĠen peut plus de cette situation. Le ton monte entre les deux jeunes femmes, les larmes ruissellent sur les joues de Dina, ses yeux se brouillent ; elle ne voit plus rien. Elle nĠentend plus rien que les cris de Lilly, un choc, et le noir totalÉ
Vendredi 15 octobre
Ses yeux sĠouvrent petit petit, elle aperoit une silhouette blanche trs floue. O est-elle et surtout qu'est-ce qui a caus ces douleurs qui la lancent chaque fois qu'elle essaye d'esquisser un geste ? Peu peu la vue lui revient. Elle sent que son corps est meurtri, la vue des tuyaux lui fait comprendre qu'elle se trouve l'hpital. Elle se souvient peu peu de l'accident, du choc trs violent qui lui cause toutes ces douleurs. Elle intercepte quelques paroles du mdecin qui se trouve son chevet. Il lui assure que Lilly va bien, quĠelle a saut de la voiture avant que la voiture se cogne au rocher. Mais quel rocher ? Dina nĠa pas eut le temps de poser la question, elle replonge dans un coma profond, elle sent quelques lectrochocs qui la soulvent puis plus rien...
Le noir nĠest plus si noir, des couleurs et des formes apparaissent. Du bleu surtout. Dina est perdue. Est-elle morte ? Quelle est cette mer merveilleuse qui s'tend devant elle ? Elle se sent si bien, si libre, si vivanteÉ Assise sur ce rocher, le chagrin a disparu et a laiss place au bien-tre. Il n'y a personne, seule cette mer et ce rocher. Son seul compagnon est cet arbre qui a lĠair dĠtre sur le point de sĠchouer. Mais cela ne lĠclaire pas sur lĠendroit o elle se trouve. Peu importe, elle se sent bien, une odeur familire flotte dans l'air, ce qui la rassure. Elle la connat, mais n'arrive pas l'identifier. Aprs ces quelques mois de souffrance, elle se sent prsent parfaitement bien sur ce rocher au milieu de nulle part. Elle n'a pas envie de se poser de questions, seulement profiter de ce beau paysage. Cependant, ce rocher, cette mer lui rappellent quelqu'un, ou bien quelque chose.
Elle remarque cette petite lettre entrepose dans le tronc de l'arbre. Elle la rcupre et entame sa lecture :
Bienvenue dans mon monde Dina
Tu es enfin venue au rocher ! a fait tellement longtemps que je tĠattends. Je pense que tu as compris que ce rocher nĠexistait pas dans la vie relle. CĠest mon paradis, celui que jĠai dcouvert aprs ma mort. Ë prsent je vais pouvoir le partager avec toi. Prpare-toi me voir bientt.
Joey
Stupfaite. Les larmes coulent flot. Elle vacue toute cette souffrance qu'elle a accumule depuis la mort de Joey. Elle relve son regard aprs avoir entendu un craquement, et le voit. Lui, en chair en os, qui maintenant la dvisage comme sĠil ne lĠavait jamais vue. Une main se pose sur son pauleÉ Les souvenirs lui reviennent, ce rocher, cette odeur, cette lettre, tout a cĠtait... Joey.
Esther Roy-Guilleminot
Il fait dj chaud. L'aube s'tire, laissant percer vers le ciel les premiers frais rayons du soleil. Les cigales s'veillent timidement, et on entend peine la brise lgre, soufflant sur la large frondaison des platanes surplombant la place. Seuls quelques entrechoquements de boules des matinaux joueurs de ptanque rsonnent dans le village. Un cri mlant surprise et indignation vient rveiller Tourrettes-sur-Loup toute entire. C'est Ferdinand qui a de peu rat "le meilleur tir au fer", et fait profiter les habitants encore engourdis de sommeil de sa premire dfaite de la journe.
- Ah! Cr bon Diou ! Je n'ai pas la main souple aujourd'hui, h !
Madame Frellire s'adresse alors au vaincu, tout en ouvrant ses volets, de sa jolie voix gorge du soleil de la Provence.
"Allez, tu t'en remettras va ! En tout cas c'est un rveil bien singulier que le tient ! Tu vas finir par faire l'ouvrage du coq ! "
Quelques rires s'chapprent derrire les volets mi-clts, s'ajoutant ceux des compagnons de Ferdinand, qui rpondit ces provocations par un long et exaspr "Peuchre ! ". Pendant ce temps, Lalon ouvre lentement les yeux, baille largement et tire ses bras aussi haut qu'elle le peut, comme si elle cherchait loigner d'elle les mauvais rves de la nuit passe. Il est vrai qu' huit ans, ge qui est considr tre celui de la raison, l'enfant n'est plus cens avoir peur du noir, ni des ombres inquitantes se profilant le long des murs la nuit tombe. Ce n'est pas le cas de Lalon... Elle descend alors pas feutrs les quelques marches qui la spare du rez-de-chausse, o se situe la salle manger, un lieu idal pour bien commencer cette belle journe ensoleille. Une ambiance dcontracte et bonne enfant lui parvient, et laisse un lger sourire s'baucher sur son visage.
L'oncle Denis et la maman sont attabls... Enfin, surtout Mireille, la mre, puisque Denis dguste son croissant au beurre quotidien avec un pied pos sur la table basse, l'autre jambe tant plie et ramene sur la chaise.
Lalon s'empresse d'embrasser sa mre et son oncle, puis se prcipite vers un immense panier d'osier-originellement destin aux courses du march o l'on peut admirer, en se penchant un peu, trois admirables chatons agglutins, tels des aimants, sur le ventre de leur mre. Certains jours, elle passe plusieures heures jouer avec les petits, apparemment au plus grand bonheur de leur nourricire, qui profite ainsi d'un des rares moments de tranquillit qu'elle puisse s'offrir.
C'est en se redressant quelques longues minutes plus tard de ce couffin improvis, que Lalon aperut "Mam", ou plutt Marie, qui n'a pas attendu dix heures pour s'tendre au soleil. Bien sr expose sans protection solaire, puisqu'elle n'a jamais attrap de coups de soleil.
Cette particularit, une chance prciserons-nous, n'a pas manqu d'attirer l'attention des amis de la famille, auxquels elle affirme tout va :
"T ! Le soleil il me connat ! Depuis les quarante ans que je dore sans crme ni autre huile futile, et surtout inutile, il a appris m'pargner ses mauvais rayons, tout coquin qu'il est ! "
Les journes d't sont longues et paisibles.
Rien ne vient troubler le silence parfait et rassurant du midi, lorsque le soleil est son apoge et que les provenaux ne se refusent sous aucun prtexte leur sieste de l'aprs djeuner.
Si l'on peut citer une personne pour qui cette trve est primordiale - voire vitale - cĠest bien le cur du village.
Pour rien au monde les habitants de Tourettes ne sĠaventureraient chez le Pre Otenticio avant que les cloches de quatorze heures fussent sonnes !
Pourtant, un jour, un malheureux vacancier qui dsirait se confesser de toute urgence, (il avait ameut le village tout entier en moins de deux, et lanait qui voulait bien lĠentendre quĠil cherchait le presbytre de quelque prtreÉ) tait entr suant et haletant dans le jardinet du cur, qui se rveilla en sursaut au tintement aigu du carillon sur le portillon vert olive.
Son tonnement fut si grand quĠil glissa de son hamac, et avant que le pauvre homme ai eu dĠanalyser la situation, la toile suspendue entre les orangers sĠavachit sur lui sous le poids de la chute.
LĠintrus, rest coi et immobile devant cette Ç tragdie È eu juste le temps de sĠcrier Ç Mon Dieu, mon Pre, dans quel tat vous tes-vous mis ?! Je pense bien que vous aurez une bosse ! ).
Aussitt cette phrase fut-elle prononce, le cur indign bondit (avec une force insouponnable au vu de son ge avanc) sĠlana tel un fauve rugissant vers lĠautre homme devenu fugitif puisquĠil se rua en direction de la sortie, les yeux carquills, le visage ptrifi, le teint livide et les mains diriges vers lĠavant.
Une fois les portes Ç du Paradis È franchies – comme aime les surnommer Pre Otenticio - le cur bout de souffle (et autant effray que Ç son fils È aprs cette raction incontrle qui le surprit) il sĠarrta net et trouva la force de sĠexclamer :
Ç H ! En voil des faons de sĠen prendre au disciple de Dieu, tu nĠiras pas au Paradis toi ! Voyou ! Et que je ne te vois pas mettre tes grands pieds dans mon glise ! Il mĠa labour mes plates-bandes cet idiot ! ...(soudain plus bas) Doux-Jsus, quel pch jĠai pu commettre pour mriter pareille punition ?! È
A la suite de ces vnements quelques peu droutants, le cur se dclara malade pendant un bon mois.
Et la vie reprit gentiment Tourrettes.
Les marchs du mardi sont conviviaux et dcontracts. Les plus gs sĠy retrouvent pour discuter, les comres se srent les unes aux autres en chuchotant, et ponctuent ce silence trompeur par des Ç Oh ! È et des Ç Ah ! È scandaliss.
Tous les habitants se connaissent, sĠinterpellent de loin et demandent des nouvelles du petit dernier ou du parent malade.
Les sympathiques attentions vont profusion, entre deux cagots de tomates cerises et de kakis.
Les sacs de fruits et de lgumes restent suspendus en lĠair le temps des embrassades et bien souvent les marchands font cadeau dĠun ou deux kilos des pommes du verger leurs clients prfrs.
Ainsi va la vieÉ
Comme les autres enfants de son ge, Lalon sĠest jointe aux jeux et aux courses effrnes dans les troites ruelles fleuries o aiment se prlasser les chats du coin, sur les tonnelles ou dans des jardinires amnages par leurs soins.
Souvent, les bambins se laissent attendrir par ces flins ronronnant au soleil et oublient un instant leurs jeux, quĠils perdent ensuiteÉ
Lalon aimerait tant tre un chat ! Quel plaisir ce serait de dĠalanguir sur une terrasse, sans nulle contrainte, nulle obligation, et pouvoir savourer encore dĠavantage cette vie en observant les humains grouillant leurs occupations, ou plutt leurs proccupations.
Et les poursuites endiables sĠenchanent, nĠen finissent plus, sous le ciel bleu azur parsem ici et l des ces fins nuages qui virent si joliment lĠorange ou au rose la nuit tombante.
La fracheur du soir, apprciable, est bienvenue des habitants attirs sur les terrasses des cafs.
Un attroupement se forme sur la place.
Les bancs se remplissent, les cochonnets se perdent, les boules sĠemmlent, les uns crient au scandale, recomptent les pas, les autres se donnent lĠaccolade, courbent lĠchine, agitent dans leur mains croises derrire le dos les deux prochaines boules quĠils sĠapprtent jouer-et les chats rentrent, assourdis et incommods par tant de chahut.
Au milieu de la foule, lĠoncle Denis vient de se lancer la recherche de Lalon, qui observe de loin les parties se succdant, adosse la fontaine abrite par un platane centenaire. Lorsque Denis arrive enfin sa porte, bout de souffle, il lui demande :
Ç Dis, crevette, je me demandais si par hasard tĠaurais pas voulu venir lĠoliveraie pourÉ È
Sans prendre le temps de rpondre, Lalon se prcipite vers son oncle et lĠentrane en bondissant vers ce lieu pour elle si magique : des olives, rien que des olives, perte de vue.
Elle aime pivoter en sautillant entre les troncs noueux, et fouler le sol poussireux, craquel par des pluies inexistantes.
Perchs dans les arbres, monts sur la plus haute barre de leur chelle, les derniers cultivateurs cartent les branches, loignent les feuilles et jettent au passage les olives murent point dans les paniers dĠosier dbordants.
─ H ! RĠgardez-dont l-bas qui vient.. ! lana Monsieur Pugol tout en ajustant son chapeau de paille.
─ Ah ! Il a lĠair en forme le gaillardÉ Puis sĠadressant Denis, distant de plusieurs mtres : Peuchre ! On ne peut pas dire que tu nous aide beaucoup, Eh !
Sa femme sĠessuie le front avec son fichu puis renchrit :
─ Y a pas dire, les vacances, a te sert quĠ tĠempter ! Ti es tout gouttelant !
Effondr sur un rocher, Denis pense alors aux annes prcdentes, o il venait prter main forte ses amis qui trimaient de lĠaube au crpuscule dans leurs oliviers.
─ JĠsais bien, jĠsais bienÉ Mais, ma foi, avec lĠge, je suis vite puis.
─ Oh, ne vient pas me chanter a h ! Souviens-toi des Rougier, 80 ans ils nĠauraient jamais manqu une saison de cueillette ! Jamais ! Alors toiÉ
Tous se mettent rire.
Lalon coute attentivement, et profite de la distraction gnrale pour dguster en cachette les fruits de tant de travail.
DĠici la vue est somptueuse.
On peut admirer le village rduit en contre-bas, et, sur la gauche, le paysage vallonn que surplombe une pente rocailleuse.
Derrire le village, ce nĠest quĠune succession de champs de lavande, de coquelicots ou de thym, crant des espaces de couleurs diffrentes, spars par de minces haies dĠarbustes.
Le soleil dcline peu peu, et il est tant de rentrer.
Le couple Pugol, accompagn par Lalon et Denis empruntent le chemin du retour, et arrivent lĠembranchement de deux ruelles.
LĠune mne la maison des Pugol, lĠautre au mas qui abrite Marie et sa famille, les Martin.
Il est dcid dĠinviter les Pugol dner.
Enchants, ils suivent Denis dĠun pas guilleret, tout en parlant vivement.
Ils dpassent plusieures maisons, et devant chacune dĠelles, ils font signe de la main pour saluer les voisins attabls sous les tonnelles.
LĠun dĠentre eux, Hubert Delcouvet-65 ans-voit arriver la petite troupe, et, heureux lĠide dĠentreprendre une conversation, il leur crie de loin :
─ Oh, collgues (*1) ! O courrez-vous comme a dĠun pas si alerte ?! ?
─ CĠest que ce charmant monsieur nous a invit dner vois-tu ! fit lĠpoux Pugol en dsignant Denis.
─ H b, cĠest en effet lĠamabilit mme, ce DenisÉ
─ Bon, on va y aller mon vieux, parce que le souper va tre froid.Bien le bonjour ta femme !
Et ils reprennent leur marche, quand, soudain :
─ Oh, dis, le Martin !
─ Qu ma ( *2) ? Le monsieur te dit quĠil est pressÉ sĠemporte Pugol
─ Non mais dis donc, ce nĠest pas toi que je mĠadresse, fada va ! (puis parlant plus bas) Oh, Denis, approche –toi un peuÉ (plus fort et en ouvrant grand ses yeux)Je ne voudrai pas que Monsieur Pugol entende, il va encore me couper la parole ! Je me demandais si, comme je suis un peu triste en ce moment, il nĠy aurait pas un couvert en rade pour moi chez-vousÉ Sans vouloir dranger biensrÉ
─ Mais si, mon brave, viens, joins-toi nous ! Rpond Denis
─ Allez, zou, en route, sinon le dner risque vraiment dĠtre immangeable !
Lalon a confectionn un joli bouquet de violettes quĠelle offre gentiment Hubert, ravi des ces attentions soudaines.
CĠest en longeant le pr de Mr le cur que la jeune enfant dcouvert-l, dans lĠherbe, battant de sa queue lĠair et ses flancs-un ne Ç gris tourterelle È de Provence, reconnaissable au dessin dĠune croix allant de lĠencolure la croupe.
Toute merveille de cette rencontre inopine, Lalon court tirer sur la manche de son oncle qui, absorb par quelque discussion, nĠavait prt aucune attention lĠanimal.
─ Tonton, viens vite voir! LĠne, le cur un ne ! !
─ Un ne ? Comment a ? Oh il faut que nous voyions a ! Eh, la compagnie, il semblerait que pre Otenticio ait un ne !
Les ractions ne se sont pas faites attendre.
Et l, les visages colls au grillage, il regardent stupfaits lĠne intrigu dont la queue est devenue immobile.
LĠarrive du cur, une botte de carottes la main, a fait sursaut les visiteurs, qui se sont trouvs bien btes rester l devant lĠne, comme figs.
─ Grisou, je lĠai appel Grisou. Belle bte nĠest-ce pas ? sĠenquiert calmement le cur
─ Voui, cĠest une bien belle acquisition que vous avez fait l, mon pre ! a rpondu Hubert
─ CĠest un mle ou une femelle ?
Lalon a hsit avant de poser cette question, de peur de paratre ridicule.
─ Grisou, avec un nom comme a, jĠespre bien que cĠest un mle ma chre ! Rit le pre
─ Sinon elle se serait appele Grisette, c Ġest cela ?
Les interventions de Lalon ont toujours fait rire son entourage, et celle-ci nĠa pas manque de raviver la bonne humeur collective.
─ Tenez, mon Pre, je vous invite galement au repas ! Vous ne serez pas dus, ma mre prpare la ratatouille merveille !
Enfin arrivs au mas, lĠaccueil quelque peu cinglant de Mireille a aussitt refroidit lĠambiance.
En effet, plante la place du portail ouvert, les poings sur les hanches, Mireille attend ses invits en dissimulant peine son amertume.
Lalon sĠest lance vers sa mre, mais les retrouvailles nĠont pas exactement t la hauteur de ce quĠelle esprait.
─ Dis-moi, petite effronte, o tais-tu passe ? Nous tĠavons cherch partout avec Mam ! Ne me recommence plus jamais a tu entends ! File, avant que je tĠtrangle !
Biensr Mireille, en mre digne, ne pense pas un tratre mot de cette de cette menace, mais dans sa dlicate navet Lalon a prfr se rfugier sur les genoux de sa grand-mre bien aime.
─ H, Denis, explique-moi un peu en quel honneur nous avons le plaisir de recevoir ce soir, la moiti du village ?!
Aux regards dsempars dĠHubert et de Nicolette Pugol, elle sĠest ravise :
─ Simple plaisanterie, peuchre ! Entrez-donc, chers amis, vous tes ici, chez-vous !
Marie a observ la scne sans bouger, et a abandonne sa petite fille pour se prcipiter la cuisine.
Ils seraient huit table ce soir, elle se dit Ç Comment je vais la nourrir, cette troupe, avec le Delcouvet qui avale comme quatre ?! Vraiment, quelle ide de lĠavoir invit celui-l ! Je vais lui dire ma faon de penser, Denis, cĠest bien le fils de sa mre, va ! È
Une joie dbordante rgne au dehors, et dj les convives sĠimpatientent.
Le pre Otenticio, dans son immense bont, est venu prter main forte Marie la cuisine. Or, sa gourmandise a vite fait de le guider vers la marmite o mijote tranquillement la ratatouille. Il sĠest empar de la spatule en bois, et lĠa dj porte trois fois sa bouche lorsque Marie, pouvante, sĠest crie :
─ Oh l l mes enfants ! Ils vont me faire devenir chvre ! Arrtez tout de suite, a nĠest pas le moment, il nĠy en a dj pas assez pour tout le monde ! Lchez cette spatule voulez-vous ?
─ MmmhÉ Pardonnez-moi ma fille, mais je nĠai pas pu mĠen empcherÉ Dites, il ne vous reste pas un rataillon (*3) de fromage pour attendre, je nĠai pas djeun !
─ Non mais, en voil des faons ! Non, je nĠai plus de fromage ! T, virez (*4) un peu sur la droite que je vous observeÉ CĠest bien ce quĠil me semblait la messe. Vous avez pris du poids monsieur le cur !
─ Vous croyez, vraiment ?!
─ Certainement ! Allez, retournez aux cts de vos enfantsÉEt merci pour lĠaide !
Il est sortit grands regrets, en ouvrant son missel.
Aprs avoir recompt maintes reprises le nombre dĠoignons cuisant et ceux restant, Marie a conclu quĠil lui en manquerait au moins deux si elle tenait ce que ce plat ne dshonore pas la famille.
─ Denis, on est dans le pti (*5), il manque deux oignons. Chuchote-t-elle lĠoreille de son fils.
Il ne lĠa pas entendue. Il est bien trop occup rire avec le Pugol.
─ Denis, Denis ? Deux oignons quĠil manque ! Tu entends ?
Aucune rponse.Les rires ont redoubls et Marie ne tient plus.
─ Oh, teste dĠa (*6), coute un peu quand je te parle !
Cette fois, il sĠest retourn dĠun mouvement bref.
─ Eh, parle-moi meilleur (*7) hein ! Je suis fatigu.
─ MĠen fouti (*8), je te rpte quĠil nous manque deux oignons !
─ Tu nĠavais quĠ penser en acheter au march lĠautre jour, au lieu de tĠencagnarder (*9) au soleil !
─ Dis, on va viter les sujets pineux devant les invits, tu veux ?
Nicolette, toujours serviable, sĠest heureusement propose dĠen offrir.
La suite du repas se droule donc sans vnement notable.
Au dessert, Lalon a senti la fatique la submerger.
Elle sĠest mise rver de lĠne, elle a imagin galoper ses cts, faire de lui son meilleur ami.
Ensevelie dans ses songes, les invits se sont aperus quĠelle baillait, sans discrtion il est vrai.
─ Le marchand de sable ne va pas tarder passer on diraiÉ hein crevette ?! lui dit son oncle tendrement
─ Elle est mignone cette petite tout de mmeÉ
Elle me fait regreter de nĠavoir eu quĠun filsÉEngag dans lĠarme en plus ! Remarquez, ton mari a eu la mme ide, et puis ils ne sĠen plaignent pas, nĠest-ce pas Mireille ?
─ OuiÉ Aller, va, va au nono, grri ! Tu as les yeux bords dĠanchois (*10) Et monte les escaliers plan-plan (*11), pour ne pas tomber. Je viendrai te border quand jĠaurai dbarass.
Lalon a rpondu au Ç bonne nuit È des convives et sĠest couche.
LĠimage de Grisou est reste longtemps sous ses paupires, avant de rapparatre dans ses plus jolis rves.
*
Le coup de sifflet lanc par le chef de gare ramena Lalon la ralit.
Le souvenir de son enfance passe se dissipa, et son bras rest trop longtemps pli contre la vitre tait maintenant engourdi.
Retour aux sources, aprs huit longues anne dĠabsence passes Paris pour ses tudes. Elle tait de retour, en cette anne 1966, prte retrouver ses habitudes auprs dĠune famille quĠelle aime, et dĠun village auquel toute son enfance est ratache.
Ç Tourrettes sur Loup, Tourrettes sur Loup, train en provenance de Paris. Arrive en gare dans trois minutes.Pour votre scurit, nous vous rappelons quĠil est conseill de se tenir loign des rames lĠarrive du trainÉ È.
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LEXIQUE :
(*1) quivalent Ç Oh, mes amis È
(*2) Ç Qu ma È : Ç Quoi encore ? È
(*3) un rataillon : un bout, un reste
(*4) virer : tourner
(*5) tre dans le pti : tre sacrment embt
(*6) Ç teste dĠa È : typiquement provenale
(*7) Ç parle-moi meilleur È : parle-moi plus poliement
(*8) Ç MĠen fouti È : Ç Je mĠen fiche È
(*9) Ç sĠencagnarder È : sĠexposer au soleil lorquĠil brille fortement.
(*10) Ç Aller, va, va au nono, grri ! Tu as les yeux bords dĠanchois È : Ç Aller, va (insistance sur le verbe aller) au dodo, chrie (ou ma puce) ! Tu lĠair trs fatigue.
(*11) Ç plan-plan È : lentement, sans se presser.
Vanessa Parra
Je m'vade, je suis assise sur ce toit, si rouge refltant la chaleur du soleil. Je suis seule, il n'y a personne autour de moi, aucuns son de voix, je suis bien et mal la fois, c'est ne pas comprendre. Je rflchis, je pense tout, rien j'ai la tte dans les nuages et j'entends mon coeur battre a toute vitesse, au mlange de cet agrable bruit de vagues que je pourrais couter sans jamais me lasser. Le soleil tape sur mes paules, j'adore rester des heures au soleil et sentir cette chaleur si rare. Je regarde la mer bouger, et par moment je sens ce petit brun d'air qui vient me caresser les cheveux, je voudrais que jamais cela ne s'arrte. Je pense au pire comme au meilleur, j'ai mal au coeur de me dire que cela n'est qu'un rve, que la mer est si loin de moi. Je m'imagine dans cette eau chaude, ma tte se rafrachir, mon corps enveloppe de cette eau sale pour ensuite laisser reflter le soleil sur l'eau afin que mon visage prenne des couleurs. Je ferme les yeux, ce moment est unique, cela me rend compltement muette, je voudrais ne plus jamais redescendre, y rester toute ma vie. Ici c'est le paradis, mon paradis.
Justine Cavin
Evasion, envie de rver, batitude, envie de voyager, solitude, nostalgie.
J'ai toujours prfr anticiper les choses. Le problme, c'est qu' la fin, on se retrouve seul. Face soi-mme, comme lorsqu'on regarde la mer.
Alors, on contemple. Mais on contemple quoi ? La vrit, c'est que je n'ai pas la rponse. Souvent dans mes rves, je suis seule au-dessus d'un btiment blanc. et je contemple la mer. La seule chose dont j'ai envie, c'est de partir, loin, loin, trs loin.
Rime Ajana
Personnellement, jĠaime la littrature car elle a sauv mon enfance et mĠa appris lutter contre la solitude que lĠon ressent parfois dans lĠadolescence. Les livres, les histoires, lĠcriture (jĠai tenu des annes un journal intime, comme quoi cela nĠattire pas que les filles), ensuite jĠai commenc par un premier roman, puis un second et aujourdĠhui je travaille le cinquime.
Ecrire est une chose qui rend plus fort, qui aide apprhender le monde, sa cruaut. Elle montre que la solitude est double : la triste avec ses peines et ses douleurs, et la belle solitude, cratrice, qui permet la libert, la libration, toutes les librations, le retrait, la confiance en soi, lĠintrospection, lĠamour de soi.
Ecrire partir de ce terrain vague transform en terrain de basket-ball, pour des enfants pauvres qui nĠont rien dĠautres que la misre, ce terrain et la mer, peut donner une superbe histoire. Il suffit que tu cres ton double littraire et que tu lui donne lĠlan dĠexister, le temps dĠune nouvelle. Donne-lui un nom, un ge, une histoire et fait lui conqurir ses douleurs, trouver la force dans la vie, les amis (rels ou imaginaires comme dans les livres).
A toi de jouer.
Ecrire est une libration dans le sens o tout y est possible. La vie y commence !
crits de Cabrini #1
Atelier dĠcriture et de lecture dĠimage (2009-2010)
au lyce Franoise Cabrini, Noisy-le-Grand (93)
anim par :
Hafid Aggoune, crivain
Marie Witt, professeur de Lettres
Jean-Luc Mnard, professeur documentaliste
Prface
Hafid Aggoune
Horizons incertains
Anissa Chaouch
Nothing
Marie-Aime Onhema
Les tapas
Lonie Guilbert
Enora
Jennifer Chantrel
Voyageuse
Solne Colin
Le tableau malfique
Amandine Jacqueau
Vivir
Anas Laville
Ella Brabra
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En bonus pour la version internet :
Esther Roy-Guilleminot
Vanessa Parra
Toit/mer 2
Justine Cavin
Terrain basket
Rime Ajana
Photographies et dition
İ Jean-Luc Mnard